Alternative cool et chaleureuse aux salles bondées et aux prestations live prévisibles, les concerts en appartements font de plus en plus d’émules chez les artistes et auprès du public. Idée géniale pour passer une agréable soirée entre amis et amateurs de sensations musicales fortes ? Oui, et plutôt quatre fois qu’une...

Parce que l’ambiance est plus électrique tout en restant conviviale. Les concerts en appartement, en tout petit comité et à la bonne franquette (vin, saucisson, discussions avec des inconnus passionnés de musique), voilà qui vous met tout de suite dans de bonnes dispositions pour partager un moment d’émotion. « Ça me fait penser aux soirées d’antan, autour de la cheminée. Vous savez, ces salons, au XVIIIe, où chacun lisait des poèmes… Avec cependant un aspect plus débridé, plus sauvage… Les gens se lâchent parce qu’ils ont conscience d’être partie prenante de l’événement », nous confie Nobuko Matsumiya, musicienne japonaise installée à Paris et organisatrice assidue de concerts à la maison (environ trois sessions par mois) qui, à travers ces évènements culturels libres et spontanés, redécouvre les vertus de l’hospitalité. Mais le véritable point fort de ces concerts, c’est l’enthousiasme contagieux qui régit les rapports entre le public et les artistes. « Le premier concert était une vraie expérience pour nous et pour les hôtes. On a compris après dix minutes que ça allait être génial. On est tombés chez Hedwige, une fille super sympa, qui nous a bien accueillis et qui a fait une belle vidéo de la soirée. C’était la liesse ; les gens hurlaient et chantaient, appelaient leurs potes au téléphone pour leur dire de rappliquer fissa », raconte Nicolas du groupe belge Eté 67. Habituée des concerts en appartement depuis 2007, la formation rock-pop basée dans les environs de Liège sortira en septembre prochain son deuxième album “Passer la frontière”, condensé de ses expériences riches en sensations fortes et rencontres marquantes. Parce que la formule donne une nouvelle dimension à la musique Pour les Parisiens d’Exsonvaldes, champions français toutes catégories des live en appartement, l’expérience a totalement modifié et magnifié leur rapport à leurs propres compositions. « Pour la promotion de Near the Edge of Something Beautiful, notre deuxième album, nous avions besoin d’être capables de jouer certains de nos titres en acoustique – pour des sessions radio, TV, internet, etc. L’idée de faire du guitare/voix nous frustrait car nous sommes habitués à travailler en groupe. Nous avons donc décidé de réarranger notre répertoire jusqu’à être capables de reproduire l’énergie de quelques morceaux dans une formule à quatre, avec basse et batterie, mais sans aucun micro », explique Simon, le leader du groupe. Du coup, les chansons rayonnent d’un dépouillement confinant à la pureté mélodique d’un sonnet, laissent filtrer une palette sonore et émotionnelle qui, débarrassée des artifices (amplification, effets), va à l’essentiel. A leurs débuts en 2002, bien avant qu’ils ne deviennent des superstars rompues aux énormes stades, les Américains de The Killers ont visité tous les squats et salons de fortune des environs de Las Vegas. Ces expériences hors du commun ont profondément influé sur leur manière de composer, révélait le chanteur Brandon Flowers dans les colonnes du site internet The Fader : « Jouer devant un public restreint dans un environnement naturel vous donne une idée très précise de la manière dont le public réagit et ressent vos chansons. On était étonné de voir que les gens étaient beaucoup plus réceptifs lorsque nous jouions des titres qui reposaient sur une formule musicale simple, avec voix et guitares claires. Depuis, toutes nos chansons sont d’abord écrites en version acoustique avant d’être finalisées en studio. » Parce que la barrière entre l’artiste et son public tombe définitivement. Faire tomber les barrières inhérentes à un concert public, prendre le temps d’expliquer sa démarche artistique, communiquer, échanger, sans oublier le principal : la proximité de l’artiste avec son public, sans les artifices d’une grande scène, modifie totalement les rapports. En concert d’appartement, les émotions de l’artiste sont aisément perceptibles par le public et inversement, et finalement la musique ne peut qu’y gagner. Simon : « C’est évidemment plus facile de communiquer lors d’un concert en appartement. Souvent, le public réagit de manière plus intense encore qu’à un concert “normal”. Il se rend compte qu’il partage quelque chose de fort et d’unique avec nous. Il est attentif à tous les détails. Il n’y a pas la barrière psychologique de la scène, des lumières. Le contact avec le public est direct, on peut regarder tout le monde dans les yeux. Il y a aussi un effet de surprise pour les gens, qui assistent souvent à leur premier concert en appartement. » Parce que les concerts en appartement apportent aux artistes un éclairage nouveau sur leur musique et sur leur art. Nombre de musiciens abonnés aux concerts en appartement vous diront que ces expériences les ont amenés à envisager leur musique sous un éclairage neuf. Parce que la combinaison entre instrumentation acoustique, rapports directs avec le public et facilité à enchaîner les dates ouvre forcément les yeux sur l’écart incroyable de perception entre le fantasme de la vie d’artiste et les réalités souvent décevantes du music-business. « C’est un vrai retour à l’essentiel. Juste une libre expression de ce que la musique peut procurer, sans artifices ou intermédiaires. Si on arrive à créer une atmosphère de concert dans ces conditions-là, c’est encore plus facile quand on retourne sur scène après. C’est l’essence même de la prestation artistique pour moi. Au début, il n’y a rien et en fin de soirée, le lieu s’est transformé en quelque chose de magique, un endroit où les gens communient dans la musique et la curiosité », confirme Nicolas d’Eté 67. Une autre forme de partage qui se rapproche plus du troc. Une démarche universelle comparable à celles des poètes itinérants, des troubadours, ou des bluesmen pendant la Grande Dépression. Les concerts en appartement ont visiblement déjà modifié notre perception du monde en profondeur…