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Tag - cinéma

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lundi, juillet 11 2011

Super-héros, extraterrestres et grands auteurs

Si vous avez troqué vos lunettes de soleil contre des lunettes 3D, c’est que vous êtes accros au ciné ! Alors, pour assouvir votre passion tout au long de l’été, voici de quoi vous guider dans la jungle des sorties. Oh, Hollywood ! Parmi les héros les plus attendus de l’été, on trouve des voitures qui parlent (Cars 2, la suite plus convenue, mais efficace, des aventures de Flash McQueen, le 27 juillet), des singes savants (La Planète des singes : les origines, le “prequel” de la célèbre franchise, le 10 août), et un sorcier malin comme un singe (Harry Potter et les reliques de la mort - partie 2) qui, le 13 juillet, passera son dernier coup de Quidditch avant de mettre un terme à la célèbre saga. Des héros secondés cet été par une flopée de super-héros, qui répondent toujours présent pour sauver le monde et notre ennui les jours de pluie. Parmi eux, le protecteur de la paix Green Lantern (le 10 août), le fameux Captain America: First Avenger (le 17 août) ou, plus terre-à-terre mais tout aussi efficace au corps-à-corps, Conan (le 17 août), soit le remake bodybuildé du film de 1982 avec l’inconnu Jason Momoa à la place d’Arnold Schwarzenegger, trop vieux pour le rôle. Des supers-héros rejoints, même si elle n’a pas de super-pouvoirs, par Zoe Saldana (découverte dans Avatar) en tueuse imperturbable dans Colombiana (le 27 juillet), une énergique production Besson surfant sur la vague de Nikita. Pour les enfants Si vous cherchez un peu de calme dans ce monde de brutes – ou du moins de quoi occuper les enfants–, ne manquez pas Les Contes de la nuit (le 20 juillet, en 3D), le nouveau film d’animation de Michel Ocelot, le papa de Kirikou. Un vieux cinéma en apparence abandonné y est le cadre de tout un tas d’histoires extraordinaires. Une animation tout en ombres chinoises qui n’a rien à voir avec celle des Schtroumpfs (le 3 août). Les personnages de la BD belge version US, déambulant dans les rues de New York, risquent de nous donner un bon coup de blues. Enfin, a priori pas pour les enfants, mais en fait si : Super 8 (le 3 août), ou comment le réalisateur J.J. Abrams (créateur des séries culte Alias et Lost) et le producteur Steven Spielberg obligent des gamins à se faire courser par un E.T. qui se prend pour Predator. Du rire pour tous Puisqu’on est au rayon aliens, ceux qui débarquent cet été seront plutôt à tendance drolatique. S’en prenant à des racailles londoniennes coriaces dans le jouissif Attack the Block (le 20 juillet), les E.T. se feront malmener par des cow-boys pas très contents dans Cowboys & envahisseurs (le 24 août). Autres “extraterrestres”, à leur façon, mais pour leur côté losers indécrottables : les rockeurs de Killing Bono (le 3 août). Des gaffeurs qui étaient réellement au lycée avec les membres de U2, et qui n’ont pourtant jamais percé. Moins idiotes mais plus fofolles : les héroïnes de Mes meilleures amies (le 10 août), une comédie girly croustillante à souhait sur un enterrement de vie de jeune fille. Enfin, pour avoir un peu de fraîcheur en plein mois de juillet, Happy, Happy (le 27 juillet) – ou comment une Norvégienne voit son couple perturbé par l’arrivée de nouveaux voisins – est le divertissement idéal. Un peu d’auteurs Il n’y a pas que les mots fléchés sur la plage dans la vie ! Le ciné l’été, c’est donc aussi le moyen de se cultiver avec des auteurs essentiels comme Jerzy Skolimowski et son sulfureux Deep End, que sa reprise le 13 juillet nous donne le plaisir de savourer de nouveau. Un film d’une modernité incroyable, mettant en scène dans le Londres du début des années 70 la relation amoureuse et tumultueuse entre un jeune employé de bains et sa charmante collègue. Parmi les autres auteurs confirmés qui rendent leurs copies cet été, on trouve Claude Miller avec Voyez comme ils dansent (le 3 août), André Téchiné avec Impardonnables (le 17 août), Lars von Trier avec Melancholia (le 10 août), ou encore Pedro Almodóvar avec La piel que habito (le 17 août). Des vieux de la vieille rejoints par une jeune garde de cinéastes comme Julie Gavras qui, avec son 3 fois 20 ans (le 13 juillet) montre avec humour que l’amour (entre Isabella Rossellini et William Hurt, en l’occurrence) pose toujours des questions après 60 ans. Autre auteur remarquable, Hongjin Na, l’un des jeunes génies du cinéma coréen actuel. Après l’impressionnant The Chaser, il revient avec The Murderer (le 20 juillet), la course- poursuite d’un tueur chinois amateur perdu en Corée, cherchant à retrouver sa femme et ceux qui l’ont piégé. Violent et haletant ! A moins que vous ne préfériez une autre catégorie de cinéastes : les “acteurs connus qui mettent en scène leur propre vie et la filment au Caméscope”, comme Joaquin Phoenix dans I’m Still Here (le 13 juillet) ou Steve Coogan dans The Trip (le 20 juillet). Amusant, mais avec tout de même une forte propension à se regarder le nombril. Ce qui n’est pas l’idéal pour bronzer ! Allez : bon été et bon ciné !

lundi, novembre 29 2010

Le cinéma tourné dans le metro

Si vous allez voir A bout portant au cinéma, vous y découvrirez une intense course-poursuite avec Gilles Lellouche dans les entrailles du métro parisien. L’occasion de revenir sur le lien fort qui unit depuis longtemps cinéma et métro.

Faisant partie intégrante de notre univers de voyageur quotidien, le métro parisien fait également partie intégrante de notre univers de spectateurs. Ainsi, entre Sara Forestier se baladant nue dans une rame de la ligne 6 dans Le Nom des gens, Julie-Marie Parmentier arpentant la Gare d’Austerlitz dans No et moi, Pascal Greggory marchant sous la ligne 6 dans Quartier lointain, Benoît Magimel prenant la 14 dans Mon pote, ou Gilles Lellouche poursuivi par la police dans les couloirs de la station Auber (A bout portant), ce ne sont pas moins de cinq films en ce moment à l’affiche qui comportent des scènes tournées dans le métro, et près de 31 tournages de films qui ont eu lieu dans le métro et le RER en 2010. Symbole de Paris au même titre que la tour Eiffel ou les Champs-Elysées, le métro est donc une figure incontournable pour les réalisateurs qui situent l’action de leur film dans la capitale.

Régulièrement sollicitée par le cinéma, mais privilégiant bien évidemment le transport des voyageurs aux tournages, la RATP a mis à la disposition des équipes de films une station désaffectée, Porte des Lilas-cinéma, totalement indépendante du service voyageur, ouverte de 8 h à 20 h, et redécorable à souhait, comme ce fut le cas avec Jean-Pierre Jeunet qui l’immortalisa maquillée en station Abbesses dans “Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain”. Ouvrant également ses lignes en pleine journée aux équipes réduites, la RATP et son service entièrement dédié aux tournages se mettent en quatre pour faciliter leur travail. « C’est une façon pour nous de soutenir la création, et de valoriser nos espaces », souligne Karine Lehongre-Richard, responsable des tournages à la RATP. Epluchant les scénarios pour évaluer les faisabilités techniques, elle ne refuse que les scripts portant atteinte à l’image de la RATP. « Ce qui n’est pour l’instant jamais arrivé, précise-t-elle, les seuls refus étant dus à des délais de demandes trop courts. » Car, il ne faut pas s’y tromper, tourner dans le métro demande tout de même une certaine logistique et certains frais. Facturant ses services, mais ne faisant pas un commerce de l’accueil des productions, la RATP prend en compte le coût du matériel et du personnel mis à disposition, afin que chaque tournage se déroule en toute sécurité. Ainsi aidés par une politique de communication qui leur a largement facilité la tâche ces dernières années, les professionnels de la profession n’hésitent plus à descendre sous terre pour y filmer les scènes qu’ils avaient rêvées sur papier, comme le confirme Fred Cavayé, réalisateur de A bout portant : « Le fait que l’histoire se déroule dans des lieux que tout le monde connaît renforce sa véracité, et donc l’intensité du suspense. » Mais l’exercice, même si on a correctement validé son “titre de tournage”, n’est pas sans contraintes : « Pour tourner la poursuite dans le métro, ma journée de travail commençait à 1 heure du matin et finissait à 5 heures ! C’est-à-dire que je ne disposais que de 4 heures, installation comprise ! Là, vous n’avez pas droit à l’erreur. »

Une erreur, pourtant, a bien failli compromettre cette folle aventure souterraine, comme le raconte l’acteur Gilles Lellouche. « Il était 5 heures du matin, on avait fait je ne sais combien de fois cette scène où je descends en courant et à contre-sens l’escalator du métro, je commençais à bien la maîtriser, je me prenais même pour le Rémy Julienne de Melun ! Et le réalisateur m’a dit : “Ce serait bien que tu tournes ton visage vers la caméra, pour qu’on te voie bien.” Evidemment, en me retournant, le pied est parti et... boum ! Je me suis foulé la cheville ! Heureusement, les autres scènes d’action étaient plutôt sur la fin du tournage. » Une petite mésaventure pour Gilles Lellouche, mais celle qui est arrivée à Jean-Paul Belmondo en 1974 sur le tournage de “Peur sur la ville” aurait bien pu lui coûter la vie. Lors de la scène mythique où notre Bébel national court sur les toits du métro de la ligne 6, la star a bien failli toucher à pleine vitesse une tige métallique au moment d’entrer sous le tunnel après le viaduc de Bir-Hakeim. Le spécialiste de la cascade n’a alors dû son salut qu’à sa dextérité et à sa présence d’esprit, se décalant in extremis en rampant vers l’extérieur du toit. Autre mésaventure, mais plus cocasse celle-ci, dans “Mesrine”, lorsque l’ennemi public n°1 (Vincent Cassel), en fuite avec Ardouin (Samuel Le Bihan), son complice de hold-up, se réfugie dans le métro. Là, alors que nous sommes au coeur des années 70, on voit une rame moderne passer en arrière-plan… Etrange ! Des faux raccords qui, tout comme le parcours improbable de Gilles Lellouche dans A bout portant, passant de Saint-Augustin à Auber en l’espace d’une seconde, ne nuisent pas au plaisir du spectateur, qui redécouvre à l’écran les couloirs qu’il arpente tous les jours. Et pour tous ceux qui ont raté Meryl Streep à la station Porte des Lilas l’an passé dans Julie et Julia sachez que vous pourrez retrouver le 15 décembre une autre star, Angelina Jolie (si, si !) à la station Temple, dans The Tourist… mais seulement au cinéma !

lundi, juin 14 2010

Moi, moche et méchant

Après “Azur et Asmar” et “Chasseurs de dragons”, le studio parisien Mac Guff s’est vu confier la fabrication d’une grosse production américaine : “Moi, moche et méchant”. Produit par Christopher Meledandri, l’homme derrière “L’âge de glace”, ce dessin animé en 3D relief a pour héros un vilain pas beau.

Gru est un méchant dans la tradition des vilains de James Bond, du style de Goldfinger, précise l’Américain Chris Renaud, l’un des deux réalisateurs de Moi, moche et méchant. Là, on raconte sa vie de tous les jours. On voit toujours les méchants dans leur repaire, mais on ne sait jamais comment ils sont au quotidien face à leurs voisins, leur maman, des enfants. Comment ils réagissent quand ils doivent attendre dans une file d’attente pour une tasse de café. Gru a les mêmes problèmes que nous mais il ne fait pas comme nous parce qu’il a un rayon paralysant, un énorme SUV de l’enfer qui pousse toutes les autres voitures hors de son chemin, des armes, un antre souterrain... Il a et fait ce que beaucoup rêvent de faire. » Gru (de l’anglais “gruesome” qui signifie horrible) a la voix de Steve Carell (et celle de Gad Elmaleh en français). Il vit dans la seule maison noire et lugubre d’un quartier résidentiel coloré et fleuri. Comme tout méchant qui se respecte, il est épaulé par un savant fou, le docteur Nefario, 150 ans et dur de la feuille. Il a aussi une armée de minions, des petites bestioles jaunes et bagarreuses, au rire bête, et qui paniquent au moindre bruit. Les minions testent les équipements et les armes inventés par le savant fou susnommé. Gru a aussi une maman qu’il cherche à épater depuis son enfance mais qui lui mène la vie dure car elle n’est jamais satisfaite de ses méfaits. Elle ne le sera pas non plus du prochain mauvais coup qu’il prépare : voler la Lune. Rien que ça. Il a aussi un rival, Vector, vilain de son état. Il n’a pas l’air dangereux de prime abord, il aurait même plutôt une tête de gaffeur, mais plus l’intrigue avance et plus il devient redoutable. Gru et Vector se sont rencontrés à la Banque du mal. Cette banque finance tous les plans maléfiques des méchants. Gru était venu demander un prêt pour son projet. Quand il découvre que Vector possède le rayon rapetissant dont il a besoin pour ledit projet, il va tout faire pour s’en emparer. Mais la forteresse de Vector est impénétrable. La seule solution de Gru est d’adopter trois orphelines, qui vendent des cookies en faisant du porte-à-porte, et deles utiliser comme cheval de Troie. A sa grande surprise, Gru va s’attacher aux jeunes Margo, Edith et Agnes.

« Gru nous a donné beaucoup de soucis, révèle le Français Pierre Coffin, le second réalisateur du film. On a longuement débattu, et on en débat encore, pour qu’il soit méchant mais pas trop. On a commencé avec un personnage plus mauvais que ça et, au fur et à mesure, il est devenu plus grognon et infréquentable que réellement méchant. Ses seuls actes de méchanceté sont plus dans la vie quotidienne, comme de bousculer une grand-mère dans la rue. Il ne veut pas détruire la Terre. Quand il essaie d’être franchement méchant, il n’y arrive pas avec la classe qu’on attend d’un vrai vilain. » « C’est un perdant et il endure en plus les misères de Vector, poursuit Chris Renaud. On avait besoin de cet équilibre. Si on ne le montrait que méchant, on aurait eu des problèmes d’un point de vue marketing comme d’un point de vue attrait du personnage pour les spectateurs. On veut préserver cet aspect du vilain parce que c’est un concept intéressant. Au départ, il était l’affreux n° 1, froid et cruel, mais on avait l’impression de ne pas aller bien loin avec lui. En le transformant en perdant, en lui retirant un peu de sa méchanceté, on l’a rendu attachant. On lui a aussi ajouté une écharpe qui illumine un peu sa personnalité. On lui a donné un costume reconnaissable pour qu’il se détache du paysage. » « Ce n’était pas très aisé de créer un méchant sympathique, reprend Pierre Coffin. Après des essais de design, beaucoup de recherches graphiques et de manipulations 3D, on est arrivé à ce Gru-là." Pour être sûr que c’était le bon personnage, Pierre Coffin et Chris Renaud ont fait quelques tests d’animation faciale pour voir s’il pouvait être sympathique et vivant tout en étant suffisamment expressif. Ils ont d’ailleurs fait ça sur presque tous les personnages principaux. "On voulait se rassurer, être certains qu’on pouvait croire en eux, continue Pierre Coffin. On veut que les spectateurs oublient très vite la technique de la 3D pour s’intéresser aux personnages et à l’histoire. Tout est ainsi centré sur la personnalité. La fameuse “characterization” qui dit qu’un personnage n’existe pas s’il n’a pas d’âme. »

Deux cent quatre-vingt-dix personnes, réparties en quatorze départements, travaillent sur Moi, moche et méchant depuis plus de deux ans, dont cinquante animateurs qui sont autant d’acteurs. 90 % du film se font dans les studios parisiens de Mac Guff. Les 10 % restant, principalement du story-board mais aussi des éléments sonores et la musique, sont créés par des artistes en Angleterre, en Espagne, aux États-Unis et au Canada. « Plusieurs raisons ont fait que Mac Guff a été choisi pour fabriquer ce film, souligne Chris Renaud. Il y a d’abord cette richesse d’excellents talents en animation, à Paris. Il y a ensuite le talent de Mac Guff que l’on ne trouve nulle part ailleurs, que ce soit au niveau de l’animation, de la lumière ou encore du rendu. Il y a enfin le Français Pierre Coffin, un réalisateur d’animation bien connu. On savait que la collaboration entre Pierre et moi fonctionnerait. » Les deux hommes disent se compléter à merveille. La spécialité de Pierre Coffin est l’animation et la direction d’acteur. Celle de Chris Renaud est l’histoire et le story-board. « Quand j’ai appris que je devais coréaliser le film avec quelqu’un, je me suis dit qu’on n’arriverait jamais à s’entendre, se souvient Pierre Coffin. Comme dans un vieux couple, chacun aurait ses petites habitudes. Mais on s’est aperçu qu’on avait quasiment les mêmes goûts sur tout. » « On travaille ensemble sur la totalité : la lumière, le compositing, les mouvements de caméra, renchérit Chris Renaud. Et on prend toutes les décisions à deux. »

Outre le fait que Mac Guff n’avait jamais travaillé sur un tel projet (100 millions de fichiers à gérer), les difficultés ne changent pas des autres films en 3D relief. Tout ce qui est organique demande toujours une puissance de calcul énorme pour recréer une simulation de phénomènes qui sont compliqués. « La qualité et la compétence des équipes étaient déterminantes, avance Jacques Bled, cofondateur et P.-D.G. de Mac Guff. On savait qu’on pouvait relever le défi même si on s’est posé des questions quand Christopher Meledandri est venu nous confier son film. Avec ses succès au box-office, “L’âge de glace”, “Horton” ou “Robots”, il est l’homme qui vaut 7 milliards. » Travaillant avec Blue Sky et la 20th Century Fox, Christopher Meledandri a été débauché par Universal pour créer une structure de films familiaux. Moi, moche et méchant est le premier projet. Vu les succès passés, Meledandri et consorts sont attendus au tournant. « On était inquiets, reconnaît Jacques Bled. Mais on ne fait pas de la sous-traitance comme en Chine ou en Inde. On apporte une valorisation importante et des gens pour le layout, le design des personnages, la direction artistique. L’équipe est franco-américaine au niveau de la mise en place des choix artistiques. Et, au final, esthétiquement, on n’aura pas à rougir de notre travail par rapport à la production hollywoodienne que ce soit en termes de qualité d’animation, des rendus, des textures ou de la lumière. »

mercredi, avril 14 2010

Sam Mendes

Cinéaste à succès, le réalisateur d’“American Beauty” fut un metteur en scène de théâtre acclamé. Ses adaptations de deux pièces de Shakespeare sont enfin visibles en France.

Derrière la porte, on surprend Kate Winslet, pleurant son mariage en déroute sur l’affiche des “Noces rebelles”. En face, le soldat de “Jarhead” ignore le nombril envoûtant de la lolita d’“American Beauty”, son premier film, auréolé de cinq oscars, en 2000. Dans cette salle des trophées, à l’étage d’un immeuble discret et défraîchi de West Village, à New York, les succès à 350 millions de dollars de recettes du réalisateur britannique Sam Mendes côtoient les hommages à sa première passion : les annonces illustrées des spectacles du Donmar Warehouse, théâtre du West End sauvé de la ruine par ce prodige de la scène londonienne. Son “Oncle Vania” (Tchekhov) de légende, l’“Oliver !” (Dickens), monté en 1994, à l’âge de 29 ans, sont l’oeuvre d’un théâtreux forcené, convoité par Hollywood, mais amarré à New York. Voilà dix ans que le Britannique le plus demandé d’Amérique croque la Grosse Pomme. A Brooklyn, sa “Tempête” et son “Comme il vous plaira”, de Shakespeare, font salle comble, et la troupe prépare une tournée mondiale qui la conduira à Hongkong, Amsterdam et Paris, au théâtre Marigny. Mais Mendes, resté longtemps le meilleur parti de Londres, a toujours vu en New York le creuset d’une nouvelle famille, avec Kate Winslet, sa femme depuis 2003. Ici, la star de “Titanic” peut se rendre à pied à l’école avec Joe, leur fils de 6 ans, sans provoquer une émeute sur la 7e Avenue. Sam, lui, fils d’un prof de lettres issu d’une lignée protestante portugaise de l’île de la Barbade et d’une mère juive anglaise écrivaine pour enfants, divorcés quand il avait 5 ans, reste à température égale dans ce tourbillon urbain et cosmopolite : un Anglais érudit et iconoclaste ciselé par Oxford, Cambridge et la Royal Shakespeare Company, qui boude les tapis rouges pour regarder, à la télévision, le cricket et les matchs de foot d’Arsenal. Lorsqu’il nous reçoit, les limiers de la presse people anglaise rôdent autour de son immense loft en quête de tuyaux sur son imminent divorce, confirmé depuis le 15 mars. Sam Mendes, enfoncé dans un fauteuil entre une imposante bibliothèque et une gigantesque télé, incrimine dans un nuage de cigare le démon qui le taraude toujours à 44 ans : le boulot. Obsessionnel. Dévorant. Le problème de ce perfectionniste maladif n’est pas le prochain James Bond en 3 D, qu’il prépare pour 2011, mais Shakespeare. Tasse de thé de tout Anglais qui se respecte.

Un vrai chaman aux répétitions de Brooklyn Mendes a pourtant attendu d’étudier l’auteur de Hamlet en classe, à l’adolescence, pour mettre la première fois les pieds dans un théâtre. Sa “Tempête”, visuelle, intimiste, mélodieuse même, grâce aux deux musiciens sur scène, s’affranchit des conventions classiques. Prospero, le duc exilé de la pièce qui convoque les esprits pour vaincre ses usurpateurs, pontifie moins qu’il ne laisse percevoir ses doutes sur son pouvoir. « Pour moi, c’est une pièce qui, franchissant les frontières des cultures, dépeint un artiste sans contrôle sur sa création, comme un roi sans pouvoir sur ses sujets », confie Mendes, qui, pour mieux interroger l’occulte, a invité un vrai chaman à assister aux répétitions de Brooklyn. « J’ai toujours pensé qu’il ne suffisait pas d’aimer une pièce ; qu’il fallait en découvrir le plus profond secret », plaisante le metteur en scène. « Cela paraît prétentieux, mais je serais déjà content si, grâce à moi, deux ou trois gamins assis au fond de la salle s’ouvrent à Shakespeare et au théâtre. » Ce qui devrait leur plaire.