Après “Azur et Asmar” et “Chasseurs de dragons”, le studio parisien Mac Guff s’est vu confier la fabrication d’une grosse production américaine : “Moi, moche et méchant”. Produit par Christopher Meledandri, l’homme derrière “L’âge de glace”, ce dessin animé en 3D relief a pour héros un vilain pas beau.

Gru est un méchant dans la tradition des vilains de James Bond, du style de Goldfinger, précise l’Américain Chris Renaud, l’un des deux réalisateurs de Moi, moche et méchant. Là, on raconte sa vie de tous les jours. On voit toujours les méchants dans leur repaire, mais on ne sait jamais comment ils sont au quotidien face à leurs voisins, leur maman, des enfants. Comment ils réagissent quand ils doivent attendre dans une file d’attente pour une tasse de café. Gru a les mêmes problèmes que nous mais il ne fait pas comme nous parce qu’il a un rayon paralysant, un énorme SUV de l’enfer qui pousse toutes les autres voitures hors de son chemin, des armes, un antre souterrain... Il a et fait ce que beaucoup rêvent de faire. » Gru (de l’anglais “gruesome” qui signifie horrible) a la voix de Steve Carell (et celle de Gad Elmaleh en français). Il vit dans la seule maison noire et lugubre d’un quartier résidentiel coloré et fleuri. Comme tout méchant qui se respecte, il est épaulé par un savant fou, le docteur Nefario, 150 ans et dur de la feuille. Il a aussi une armée de minions, des petites bestioles jaunes et bagarreuses, au rire bête, et qui paniquent au moindre bruit. Les minions testent les équipements et les armes inventés par le savant fou susnommé. Gru a aussi une maman qu’il cherche à épater depuis son enfance mais qui lui mène la vie dure car elle n’est jamais satisfaite de ses méfaits. Elle ne le sera pas non plus du prochain mauvais coup qu’il prépare : voler la Lune. Rien que ça. Il a aussi un rival, Vector, vilain de son état. Il n’a pas l’air dangereux de prime abord, il aurait même plutôt une tête de gaffeur, mais plus l’intrigue avance et plus il devient redoutable. Gru et Vector se sont rencontrés à la Banque du mal. Cette banque finance tous les plans maléfiques des méchants. Gru était venu demander un prêt pour son projet. Quand il découvre que Vector possède le rayon rapetissant dont il a besoin pour ledit projet, il va tout faire pour s’en emparer. Mais la forteresse de Vector est impénétrable. La seule solution de Gru est d’adopter trois orphelines, qui vendent des cookies en faisant du porte-à-porte, et deles utiliser comme cheval de Troie. A sa grande surprise, Gru va s’attacher aux jeunes Margo, Edith et Agnes.

« Gru nous a donné beaucoup de soucis, révèle le Français Pierre Coffin, le second réalisateur du film. On a longuement débattu, et on en débat encore, pour qu’il soit méchant mais pas trop. On a commencé avec un personnage plus mauvais que ça et, au fur et à mesure, il est devenu plus grognon et infréquentable que réellement méchant. Ses seuls actes de méchanceté sont plus dans la vie quotidienne, comme de bousculer une grand-mère dans la rue. Il ne veut pas détruire la Terre. Quand il essaie d’être franchement méchant, il n’y arrive pas avec la classe qu’on attend d’un vrai vilain. » « C’est un perdant et il endure en plus les misères de Vector, poursuit Chris Renaud. On avait besoin de cet équilibre. Si on ne le montrait que méchant, on aurait eu des problèmes d’un point de vue marketing comme d’un point de vue attrait du personnage pour les spectateurs. On veut préserver cet aspect du vilain parce que c’est un concept intéressant. Au départ, il était l’affreux n° 1, froid et cruel, mais on avait l’impression de ne pas aller bien loin avec lui. En le transformant en perdant, en lui retirant un peu de sa méchanceté, on l’a rendu attachant. On lui a aussi ajouté une écharpe qui illumine un peu sa personnalité. On lui a donné un costume reconnaissable pour qu’il se détache du paysage. » « Ce n’était pas très aisé de créer un méchant sympathique, reprend Pierre Coffin. Après des essais de design, beaucoup de recherches graphiques et de manipulations 3D, on est arrivé à ce Gru-là." Pour être sûr que c’était le bon personnage, Pierre Coffin et Chris Renaud ont fait quelques tests d’animation faciale pour voir s’il pouvait être sympathique et vivant tout en étant suffisamment expressif. Ils ont d’ailleurs fait ça sur presque tous les personnages principaux. "On voulait se rassurer, être certains qu’on pouvait croire en eux, continue Pierre Coffin. On veut que les spectateurs oublient très vite la technique de la 3D pour s’intéresser aux personnages et à l’histoire. Tout est ainsi centré sur la personnalité. La fameuse “characterization” qui dit qu’un personnage n’existe pas s’il n’a pas d’âme. »

Deux cent quatre-vingt-dix personnes, réparties en quatorze départements, travaillent sur Moi, moche et méchant depuis plus de deux ans, dont cinquante animateurs qui sont autant d’acteurs. 90 % du film se font dans les studios parisiens de Mac Guff. Les 10 % restant, principalement du story-board mais aussi des éléments sonores et la musique, sont créés par des artistes en Angleterre, en Espagne, aux États-Unis et au Canada. « Plusieurs raisons ont fait que Mac Guff a été choisi pour fabriquer ce film, souligne Chris Renaud. Il y a d’abord cette richesse d’excellents talents en animation, à Paris. Il y a ensuite le talent de Mac Guff que l’on ne trouve nulle part ailleurs, que ce soit au niveau de l’animation, de la lumière ou encore du rendu. Il y a enfin le Français Pierre Coffin, un réalisateur d’animation bien connu. On savait que la collaboration entre Pierre et moi fonctionnerait. » Les deux hommes disent se compléter à merveille. La spécialité de Pierre Coffin est l’animation et la direction d’acteur. Celle de Chris Renaud est l’histoire et le story-board. « Quand j’ai appris que je devais coréaliser le film avec quelqu’un, je me suis dit qu’on n’arriverait jamais à s’entendre, se souvient Pierre Coffin. Comme dans un vieux couple, chacun aurait ses petites habitudes. Mais on s’est aperçu qu’on avait quasiment les mêmes goûts sur tout. » « On travaille ensemble sur la totalité : la lumière, le compositing, les mouvements de caméra, renchérit Chris Renaud. Et on prend toutes les décisions à deux. »

Outre le fait que Mac Guff n’avait jamais travaillé sur un tel projet (100 millions de fichiers à gérer), les difficultés ne changent pas des autres films en 3D relief. Tout ce qui est organique demande toujours une puissance de calcul énorme pour recréer une simulation de phénomènes qui sont compliqués. « La qualité et la compétence des équipes étaient déterminantes, avance Jacques Bled, cofondateur et P.-D.G. de Mac Guff. On savait qu’on pouvait relever le défi même si on s’est posé des questions quand Christopher Meledandri est venu nous confier son film. Avec ses succès au box-office, “L’âge de glace”, “Horton” ou “Robots”, il est l’homme qui vaut 7 milliards. » Travaillant avec Blue Sky et la 20th Century Fox, Christopher Meledandri a été débauché par Universal pour créer une structure de films familiaux. Moi, moche et méchant est le premier projet. Vu les succès passés, Meledandri et consorts sont attendus au tournant. « On était inquiets, reconnaît Jacques Bled. Mais on ne fait pas de la sous-traitance comme en Chine ou en Inde. On apporte une valorisation importante et des gens pour le layout, le design des personnages, la direction artistique. L’équipe est franco-américaine au niveau de la mise en place des choix artistiques. Et, au final, esthétiquement, on n’aura pas à rougir de notre travail par rapport à la production hollywoodienne que ce soit en termes de qualité d’animation, des rendus, des textures ou de la lumière. »