La culture en musique

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mardi, avril 26 2011

D’une vague à l’autre

Sur fond de guerre esthétique et de choc générationnel, une drôle de confrontation se joue ces temps-ci entre revenants de la new wave et jeunes loups cold wave. Décryptage d’une opposition de style qui fascine la musique électronique des années 2000, à travers six exemples. Orchestral Manoeuvres in the Dark Mélodies synthétiques voluptueuses, lignes de basses à l’audace raffinée et esthétique pop élégante, Orchestral Manoeuvres in the Dark (OMD) porta haut les idéaux artistiques de la new wave naissante au début des années 80. Avec des tubes planétaires comme l’imparable Enola Gay et des albums impeccables (Organisation, Architecture and Morality), Andy McCluskey et Paul Humphreys furent parmi les premiers à sortir la musique électronique de la seule sphère expérimentale, écoulant au passage des millions de disques. Trente ans après leurs premiers succès, l’utopie musicale OMD prend des allures de pastiche maniéré sur le nouvel opus History of Modernity paru à l’automne dernier. Le temps passé à sonder les profondeurs avant-gardistes de la pop a t-il fini par les éloigner définitivement de la lumière ? Paris Bâti sur les cendres d’un monde actuel en ruine et sur un pragmatisme idéologique angoissant, Paris, le sombre side-project du chanteur de Poni Hoax Nicolas Ker, a des allures de soleil noir dans le paysage sonore français. Entre brutalité diffuse et idéalisme émotionnel en faillite, la musique de Paris mêle climats sonores polaires, mélodies cold wave chancelantes et textes étouffants de noirceur élégante. « La cold wave repose sur une honnêteté qui ne ment pas. Elle donne une dimension implacable à ces tourments et ces désillusions qui, mis en musique, font naître une frustration qui colle au plus près de notre réalité sans espoir », affirmait Nicolas Ker lors de la sortie du second maxi In Crowded Subways en novembre 2010. La preuve que du noir peut émerger d’incroyables beautés à l’essence empoisonnée. The Human League A voir le public venu nombreux lors de leur récent concert parisien, célébrant avec une nostalgie rafraîchissante leurs hymnes intemporels, les Human League apparaissent comme le groupe issu de la déferlante new wave des années 80 qui aura le mieux fait fructifier son héritage à travers le temps. Malgré une carrière chaotique depuis une grosse vingtaine d’années, la formation anglaise resserrée depuis 1990 autour du chanteur Phil Oakey et des choristes Susanne Sulley et Joanne Catherall fascine toujours. Son secret ? Une vision artistique progressiste et terriblement efficace qui aura influencé des artistes tels que Moby, Ministry of Sound, Lady Gaga ou encore les militantes électro-punk de Le Tigre. Alors tant pis si le nouvel album Credo déçoit : les anticipations synthétiques des humanoïdes de Sheffield restent une référence pour toute la “néo-new wave” des années 2000. La Roux « La musique des années 1980 a été une épopée d’audace et de créativité. » Porté aux nues par toute une nouvelle génération d’adorateurs synth-pop nourrie au design sonore sombre et réformiste des Depeche Mode, Yazoo et autres Human League, le duo britannique La Roux et son égérie capillaire la chanteuse Elly Jackson ont réhabilité avec une spontanéité et une classe sidérantes la romance douloureuse et l’esthétique coup de poing qui faisait de la new wave une révolution fascinante. Avec son look androgyne et son visage qui semble décrire mieux qu’aucun discours l’ambivalence trompeuse de notre époque, Elly est devenue une icône pour la jeunesse. Ses chansons entre pop rétro, dance mutante et techno passée à l’essoreuse pop ont suscité un véritable revival new wave outre-Manche en 2009 avec le succès des singles Quicksand et Bulletproof, et la sortie du premier album homonyme du groupe la même année. Cold Cave Avec un nom à faire flipper un mort, il ne fallait pas s’attendre a ce que la musique de cette formation électro-pop venue de Philadelphie vous fasse voir la vie en rose. Nappes de synthé élevées dans l’obscurité cold du Low de David Bowie, guitares post-punk menaçantes comme un ciel bombardé et textes directement inspirés des expérimentations postmodernes effrayantes des premiers disques de Cure et de Joy Division, la musique de Cold Cave a tout pour congeler pendant dix ans les plus intenses des débordements. Le combo emmené par le trentenaire pessimiste Wesley Eisold livre avec l’album Cherish the Light Years l’une des claques sonores les plus marquantes de ce début d’année. Une course entre le macabre et le grandiose, les espoirs funestes et la beauté furtive du renoncement, l’énergie rock fracassante et la cérébralité cold wave. Duran Duran Véritables têtes à claques médiatiques (à cause de leurs passion coupable pour les séances de maquillage et leurs permanentes bouffantes à la Krystle Carrington de la série culte Dynasty), ils ont pourtant symbolisé comme personne cet étrange mélange d’esthétique glamour ultra-visuelle, de légèreté pop presque naïve et de rêves de gloire extrême. Si des hits comme The Reflex, Wild Boys ou encore Notorious ont donné au chanteur Simon Le Bon et à ses acolytes un passeport définitif pour la postérité télévisuelle (merci MTV !), la new wave inventive du crew de Birmingham a souvent été injustement tournée en ridicule. Mais les choses pourraient bien changer aujourd’hui avec la belle surprise que représente leur nouvel album All You Need Is Now. Produit par le petit démiurge pop Mark Ronson, le disque étale rondeurs électro-pop aguicheuses, rythmiques dance qui auraient écouté du Timbaland et une candeur vocale qui vous fait presque oublier que les Duran Duran ont plus de cinquante balais. Toujours aussi efficaces, toujours aussi crâneurs, toujours aussi futiles et toujours aussi charmeurs (sans trop faire les vieux beaux, hein ...), les Duran Duran sont peut-être en passe de faire croire à la musique électronique des années 2000 que la new wave a débarqué il y a seulement deux ans. Gasp !

lundi, mars 21 2011

Documentaire sur Georges Brassens

Pour reverdir Brassens, on nous dit qu’il vivait comme un punk ou que le leader de Franz Ferdinand le considère comme le meilleur chanteur français de tous les temps. Quoi qu’il en soit, la superbe rétrospective “Brassens ou la liberté” de la Cité de la musique offre une immersion très documentée et ludique dans sa vie et son oeuvre, à travers des objets, des documents et les dessins de Joann Sfar. A voir pendant cinq mois.

Pour les amateurs de Brassens, c’est une mine. Les autres pourront apprécier la mise en espace inventive et parfois spectaculaire, les photos de Doisneau, de Leloir et les objets d’une autre époque, les dessins de l’auteur de BD et réalisateur Joann Sfar et ses astuces « à hauteur d’enfant », de la musique, des images, beaucoup de documents audiovisuels. La scénographie de l’exposition a été réalisée par des décorateurs de cinéma maîtres dans l’art de créer des atmosphères, tant et si bien qu’on s’y croirait. Bref, les raisons de visiter “Brassens ou la liberté” à la Cité de la musique sont nombreuses ; à l’issue de cette première rétrospective consacrée à l’auteur des “Copains d’abord” (1921-1981), le visiteur pourrait même découvrir un chanteur. « Joann Sfar et moi avons voulu que l’expo soit très accessible, gaie et gentille, comme Brassens lui-même », résume Clémentine Deroudille, commissaire de l’exposition, lors d’une visite commentée. Gentil, mais aussi libertaire. C’est-à-dire une personne qui, dans son existence, va très loin dans le sens de la liberté individuelle absolue. Voilà un programme de vie tout sauf peinard. Et à l’image de l’idéal de Brassens, l’expo qui explore les versants intime et public du chanteur est elle aussi bouillonnante.

Mais avant de monter cette première présentation d’envergure consacrée à un chanteur qui a vendu plus de trente-trois millions d’albums, les commissaires ont dû convaincre. Oui, il a fallu démontrer que derrière la guitare clas sique qui fait gling-gling sur le tempo du fox-trot, et au-delà d’une manière de chanter surannée, il y avait un musicien exigeant et un auteur dont la portée des textes atteignait allègrement notre XXIe siècle. Avec des chansons dont deux des thèmes récurrents sont la mort et l’amour, reconnaissons que le Sétois d’origine visait davantage l’intemporel que l’anecdote. Ceci étant dit, le Brassens tout à la fois engagé contre l’armée, la peine de mort, les curés, le mariage, la vie à deux (liste non exhaustive) faisait dans la nuance et le subtil : « Je préfère suggérer les choses que les dire », expliquait- il dans un entretien avec Philippe Némo, sur France Culture en 1979. Et c’est sans doute cette finesse d’esprit qui fait que des textes comme “La Mauvaise Réputation”, “La Non-demande en mariage” ou “Le Gorille” non seulement passent les années, mais conservent une pertinence intacte. Brassens était fin, Brassens était délicat, Brassens était plein d’élégance et dans le même mouvement diffusait des grossièretés qui ont beaucoup choqué. En somme, le poète manqué reconverti en chanteur à textes était rempli de paradoxes. C’est ce qui fait l’épaisseur du bonhomme, et c’est ce qui a plu – aussi – à Clémentine Deroudille qui, en prime, a été séduite par la dualité sensible/virile d’un artiste dont l’un des passe-temps était, au propre, de soulever de la fonte. Au moins avait-elle toute l’estime et la caution des ayants droit : « Chouette, vous allez sortir tonton du purgatoire ! » se seraient-ils réjouis à l’idée de cette rétrospective.

Le rez-de-chaussée de l’exposition est un passionnant et sinueux parcours. Dans la galerie obscure que l’on a voulu semblable à une forêt, on suit les grandes étapes de la vie de Brassens depuis “L’apprentissage de la liberté” jusqu’à “Brassens consacré” en passant par la période (très) bohème du chanteur, des années durant lesquelles, impasse Florimont à Paris, le rebelle vivait avec Jeanne sans eau courante, sans gaz, sans électricité et sans reconnaissance aucune. C’est dans ce dénuement que l’artiste a écrit la plupart de ses chansons. Cette partie de l’exposition intitulée “Auprès de mon arbre” en est à la fois le coeur et la séquence la plus captivante. Outre les photos et les films noir et blanc qui montrent bien la dèche et/ou le goût de Brassens pour l’absence de confort, le visiteur pénètre dans l’arrière-cour de la création. Sont dévoilées les racines littéraires du chanteur et les secrets de fabrication d’un autodidacte : « Il fréquente assidûment la bibliothèque du quartier où il passe des journées entières à lire, étudier la versification et se forger une culture littéraire qui le hisserait à la hauteur des auteurs qu’il admire : Villon, Hugo, Baudelaire, Gide… (…) Son érudition et son éclectisme nourrissent ses textes futurs, un imaginaire hors du temps, drôle ou mélancolique, parfois irrévérencieux ou même grivois, qui constitue un paysage familier », résume très bien la présentation de l’expo. Autre bonne idée, des téléphones fixes permettent d’entendre Brassens au bout du fil : d’une voix douce, le chanteur dit sa préférence pour « la musique de jazz » ou affirme qu’il a « presque lu tout le monde », et encore : « Je fais de la propagande de contrebande. » Plus on s’approche de la fin du parcours, plus on côtoie le Brassens que l’on connaît, celui des succès et de la consécration. Mais quel chemin pour en arriver là !

“Brassens ou la liberté”, jusqu’au 21 août au Musée de la musique, Cité de la musique, 221, avenue Jean Jaurès, 19e. M° Porte de Pantin. Du mar. au sam. de 12 h à 18 h ; nocturne le ven. jusqu’à 22 h ; dim. de 10 h à 18 h. Entrée : 8 € (- 26 ans : 5 €). www.citedelamusique.fr/brassensoulaliberte.

lundi, janvier 10 2011

Salles de concert à Paris

Kevin Douvillez coprogramme le fameux festival des Francofolies. Pour trouver les 120 meilleurs artistes français ou francophones de l’année, il lui faut tout voir et entendre. A travers ses salles parisiennes préférées, ce Breton pure souche évoque sa vision du métier, de la création, de la politique culturelle et de la chanson française.

L’International, café-concert « J’y suis souvent. C’est le genre de lieux qui devraient se développer dans Paris. Un principe d’entrée gratuite, avec deux ou trois concerts par soir, c’est un vrai laboratoire pour jeunes artistes, où j’ai fait des découvertes, ou des confirmations de gens que je suivais depuis un certain temps, comme Zaz, en novembre 2009. Je la voyais pour la première fois sur scène. Ce n’était pas un spectacle optimal, mais sa fraîcheur, sa bonne humeur éclataient. J’ai aussi, là bas, récemment vu Rover, qui va faire le “chantier des Francos” (suivi et sessions de travail accompagné pour des artistes émergents. Parmi les participants depuis 1998 : Cali, Emily Loizeau, Ours ou Pauline Croze ndlr). C’est un grand gaillard d’1,95 m, qui fait une musique à la Bowie, très aérienne. Pour eux, ce lieu n’est pas un aboutissement, mais un terrain pour se faire connaître et tester des choses. Là, Rover se testait seul, sans son groupe, ce qui me l’a rendu d’autant plus touchant. Le défaut du lieu, c’est évidemment le bruit, les gens viennent autant pour la musique que pour boire un verre, mais c’est le jeu, et c’est l’un des endroits où les espaces sont le mieux séparés. Pourquoi le rock anglo-saxon est-il bon ? Parce qu’il existe là-bas une multitude de lieux de ce genre, pour s’affiner, jouer encore et encore, développer un vrai live. L’International est l’un de ceux qui réussissent le mieux à Paris, avec une programmation large d’esprit et de style, dans de bonnes conditions avec un public fidèle, ce qui garantit aux artistes de jouer devant un salle pleine. » 5/7 rue Moret, 11e. Tél. : 01 49 29 76 45. Ouvert tous les jours de 17 h à 2 h, happy hour jusqu’à 21 h. Infos et programmation : www.linternational.fr.

La Loge Théâtre « Une petite salle très mignonette, avec environ 80 places assises, mais c’est une vraie salle de spectacle, avec une belle scène version mini. Je n’y vais pas souvent, mais je suis la programmation. Ils ont une super ligne éditoriale, un mélange de variété, de spectacle, d’humour. Il y a une grande délicatesse dans les choix, avec aussi une vraie prise de risques. Par exemple, cette année, on y a vu GieDré, de la chanson humoristique vraiment très caustique, ou Mariscal, un artiste quelque part à la croisée des chemins entre Dominique A. et Fredo Viola, qui a fait le chantier des Francos. Il n’est pas évident à présenter, parce que sa musique n’est pas assez commerciale pour être une priorité pour l’industrie du disque. L’entrée est payante mais avec de petits tarifs. Je crois que l’équipe est très accompagnante dans les relations avec les artistes. Ce n’est pas juste de la location de salle, ils essaient de faire en sorte que tout le monde y trouve son compte dans une économie pourtant précaire. » 77, rue de Charonne, 11e. Tél. 01 40 09 70 40. Infos et programmation : www.lalogeparis.fr

La Maroquinerie « Cette salle me plaît, elle a toujours eu une belle ligne éditoriale. Ça fonctionne en deux temps : une programmation propre et de la location de salle, mais choisie, en accord avec la ligne choisie. J’aime à la fois la programmation et l’ambiance globale. La configuration n’est pas optimum, avec des poteaux qui peuvent gêner la vue, et quand il y a du monde, on a vite chaud. Mais c’est largement rattrapé par l’ambiance générale, le restaurant où tout est super bon, et qui est tenu par des personnes très sympas qui insufflent un bon esprit. Beaucoup de gens du métier fréquentent l’endroit parce que leurs bureaux sont dans l’immeuble. C’est un lieu de création, siège d’une véritable ébullition culturelle, d’échange, de connaissance, de partage et de fête. » 23, rue Boyer, 20e. Tél. : 01 40 33 35 05. Restaurant : tous les jours de 19 h 30 à 23 h 30, réservation au 01 40 33 64 85. Programmation et menu sur www.lamaroquinerie.fr.

La Cigale et la Boule Noire « Pour un artiste, jouer à la Cigale n’est pas l’ultime consécration, mais cela signifie que le projet marche, qu’il est en bon chemin. J’aime beaucoup y voir des concerts : c’est pour moi l’une des plus belles salles, parce que le rapport scène-salle est presque idéal. On voit bien de partout, c’est un théâtre à l’ancienne avec son cadre rouge, mais qui peut quand même accueillir du rock, même l’électro fonctionne, dans un lieu qui a un vrai cachet parisien, et moi qui viens de province, j’y suis très sensible. La salle est couplée avec la Boule Noire, juste en dessous, gérée par la même équipe. C’est une salle de soussol, avec du parquet, chargée d’histoire, puisque c’est là que s’est déroulé le fait divers dont s’inspire le film Casque d’or. Si je fais ce métier, si je prends tant de plaisir à mes déambulations nocturnes, c’est parce que j’ai aimé cette histoire de Paris la Nuit, avec toutes ses différentes époques : Montmartre à la fin du XIXe avec l’apparition du Moulin Rouge et du french cancan, l’ébullition de Pigalle, avec le peuple qui a enfin la possibilité de sortir et qui va dans les bals… Puis c’est le Montparnasse des années 1910 à 20, une émulation culturelle, les artistes qui se retrouvent dans les troquets et la chanson française qui balbutie avec Aristide Bruant à Montmartre, puis Saint-Germain-des-Prés, Vian et Gréco, et les années 80, les sorties nocturnes de Gainsbourg, le Palace et les Bains- Douches, qui sont à la fois des lieux de fête et de concerts. Sans forcément participer, j’aime être témoin de la vie nocturne. J’éprouve un plaisir provincial à me retrouver dans ces lieux emblématiques de la nuit. » 120 Boulevard de Rochechouart 18e, Tél 01 49 25 81 75. Infos et programmation www.lacigale.fr, et www.laboule-noire.fr

La Gare aux Gorilles C’est un squat. Il en existait beaucoup à Paris, ils ont malheureusement majoritairement disparu depuis mon arrivée, en 2000. J’étais un habitué de ces lieux : Les Falaises, rue Germain Pilon, où l’on pouvait écouter du “nu-jazz”, de Steve Coleman à Jazzmatazz, et boire des bières pas chères dans un esprit très associatif. Il y avait aussi la Générale, un gros bâtiment désaffecté dans Belleville, qui avait été investi par des ateliers d’artistes, et toutes sortes de concerts. A la Gare au Gorille, on retrouve cet esprit un peu disparu. J’y ai vu un concert dingue du groupe Sexy Sushi, en juillet 2010 : ils avaient demandé à tous les fans d’écrire un poème sur Satan, certains tirés au sort étaient affichés sur le mur, et ils ont fait un concert sur ce thème. Dans l’esprit squat, les boissons ne coûtent presque rien, on peut même apporter la sienne. Ces lieux sont importants : ils sont un tissu culturel et associatif essentiels à la création, il faut qu’ils puissent exister, se développer. » • 1, avenue Corentin Cariou, 19e. M° Corentin Cariou. Programmation sur www.myspace.com/lagareauxgorilles.

lundi, avril 19 2010

Houses of live

Alternative cool et chaleureuse aux salles bondées et aux prestations live prévisibles, les concerts en appartements font de plus en plus d’émules chez les artistes et auprès du public. Idée géniale pour passer une agréable soirée entre amis et amateurs de sensations musicales fortes ? Oui, et plutôt quatre fois qu’une...

Parce que l’ambiance est plus électrique tout en restant conviviale. Les concerts en appartement, en tout petit comité et à la bonne franquette (vin, saucisson, discussions avec des inconnus passionnés de musique), voilà qui vous met tout de suite dans de bonnes dispositions pour partager un moment d’émotion. « Ça me fait penser aux soirées d’antan, autour de la cheminée. Vous savez, ces salons, au XVIIIe, où chacun lisait des poèmes… Avec cependant un aspect plus débridé, plus sauvage… Les gens se lâchent parce qu’ils ont conscience d’être partie prenante de l’événement », nous confie Nobuko Matsumiya, musicienne japonaise installée à Paris et organisatrice assidue de concerts à la maison (environ trois sessions par mois) qui, à travers ces évènements culturels libres et spontanés, redécouvre les vertus de l’hospitalité. Mais le véritable point fort de ces concerts, c’est l’enthousiasme contagieux qui régit les rapports entre le public et les artistes. « Le premier concert était une vraie expérience pour nous et pour les hôtes. On a compris après dix minutes que ça allait être génial. On est tombés chez Hedwige, une fille super sympa, qui nous a bien accueillis et qui a fait une belle vidéo de la soirée. C’était la liesse ; les gens hurlaient et chantaient, appelaient leurs potes au téléphone pour leur dire de rappliquer fissa », raconte Nicolas du groupe belge Eté 67. Habituée des concerts en appartement depuis 2007, la formation rock-pop basée dans les environs de Liège sortira en septembre prochain son deuxième album “Passer la frontière”, condensé de ses expériences riches en sensations fortes et rencontres marquantes. Parce que la formule donne une nouvelle dimension à la musique Pour les Parisiens d’Exsonvaldes, champions français toutes catégories des live en appartement, l’expérience a totalement modifié et magnifié leur rapport à leurs propres compositions. « Pour la promotion de Near the Edge of Something Beautiful, notre deuxième album, nous avions besoin d’être capables de jouer certains de nos titres en acoustique – pour des sessions radio, TV, internet, etc. L’idée de faire du guitare/voix nous frustrait car nous sommes habitués à travailler en groupe. Nous avons donc décidé de réarranger notre répertoire jusqu’à être capables de reproduire l’énergie de quelques morceaux dans une formule à quatre, avec basse et batterie, mais sans aucun micro », explique Simon, le leader du groupe. Du coup, les chansons rayonnent d’un dépouillement confinant à la pureté mélodique d’un sonnet, laissent filtrer une palette sonore et émotionnelle qui, débarrassée des artifices (amplification, effets), va à l’essentiel. A leurs débuts en 2002, bien avant qu’ils ne deviennent des superstars rompues aux énormes stades, les Américains de The Killers ont visité tous les squats et salons de fortune des environs de Las Vegas. Ces expériences hors du commun ont profondément influé sur leur manière de composer, révélait le chanteur Brandon Flowers dans les colonnes du site internet The Fader : « Jouer devant un public restreint dans un environnement naturel vous donne une idée très précise de la manière dont le public réagit et ressent vos chansons. On était étonné de voir que les gens étaient beaucoup plus réceptifs lorsque nous jouions des titres qui reposaient sur une formule musicale simple, avec voix et guitares claires. Depuis, toutes nos chansons sont d’abord écrites en version acoustique avant d’être finalisées en studio. » Parce que la barrière entre l’artiste et son public tombe définitivement. Faire tomber les barrières inhérentes à un concert public, prendre le temps d’expliquer sa démarche artistique, communiquer, échanger, sans oublier le principal : la proximité de l’artiste avec son public, sans les artifices d’une grande scène, modifie totalement les rapports. En concert d’appartement, les émotions de l’artiste sont aisément perceptibles par le public et inversement, et finalement la musique ne peut qu’y gagner. Simon : « C’est évidemment plus facile de communiquer lors d’un concert en appartement. Souvent, le public réagit de manière plus intense encore qu’à un concert “normal”. Il se rend compte qu’il partage quelque chose de fort et d’unique avec nous. Il est attentif à tous les détails. Il n’y a pas la barrière psychologique de la scène, des lumières. Le contact avec le public est direct, on peut regarder tout le monde dans les yeux. Il y a aussi un effet de surprise pour les gens, qui assistent souvent à leur premier concert en appartement. » Parce que les concerts en appartement apportent aux artistes un éclairage nouveau sur leur musique et sur leur art. Nombre de musiciens abonnés aux concerts en appartement vous diront que ces expériences les ont amenés à envisager leur musique sous un éclairage neuf. Parce que la combinaison entre instrumentation acoustique, rapports directs avec le public et facilité à enchaîner les dates ouvre forcément les yeux sur l’écart incroyable de perception entre le fantasme de la vie d’artiste et les réalités souvent décevantes du music-business. « C’est un vrai retour à l’essentiel. Juste une libre expression de ce que la musique peut procurer, sans artifices ou intermédiaires. Si on arrive à créer une atmosphère de concert dans ces conditions-là, c’est encore plus facile quand on retourne sur scène après. C’est l’essence même de la prestation artistique pour moi. Au début, il n’y a rien et en fin de soirée, le lieu s’est transformé en quelque chose de magique, un endroit où les gens communient dans la musique et la curiosité », confirme Nicolas d’Eté 67. Une autre forme de partage qui se rapproche plus du troc. Une démarche universelle comparable à celles des poètes itinérants, des troubadours, ou des bluesmen pendant la Grande Dépression. Les concerts en appartement ont visiblement déjà modifié notre perception du monde en profondeur…

mercredi, avril 14 2010

Nouveau MGMT

Pourquoi eux ? Pourquoi mettre particulièrement en avant ce petit duo de pop US, alors que des disques sortent chaque semaine comme s’il en pleuvait ? Parce que ceux-là sont spéciaux. Ils agitent la presse comme nul autre groupe, ils refusent de reproduire ad lib la recette du succès et tout le monde, même les non-mélomanes, trouve qu’ils ont un style fou. Rencontre sur leurs terres, à New York, avec deux jeunes – mais déjà confirmés – artistes, à l’orée de la sortie de leur second album. "Congratulations", qu’ils disaient.

Le 5 mars dernier, armés d’un pré-CD (entendez un nouveau CD pas sorti, que personne n’a sous la main et qui n’a pour le moment même pas encore été piraté), nous embarquons pour New York, histoire de rencontrer en exclusivité mondiale (c’est ce dont se targuent les privilégiés) le duo MGMT. “Aime-Ji-Aime-Ti”, disent les puristes, “Aime-Jé-Aime-Té”, prononçons- nous histoire de garder notre simplicité, vu qu’il ne faut plus dire “Management”, ce qu’on disait au moment de la sortie du premier opus il y a deux ans, mais qu’on ne dit plus. Alors, partir là-bas dans ce but exclusif, ça a des allures de privilège que vous n’imaginez même pas. La poignée de journalistes regroupée n’ose pas commenter l’affaire, et puis l’un craque : « T’as préparé tes questions ? Montre… ». C’est dire si le buzz est grand, alors que notre sujet d’étude n’a que 27 ans et demi de moyenne d’âge et, pour le moment, un seul album au compteur. Mais quel album ! “Oracular Spectacular” a été un fulgurant réservoir à tubes version électro pop, à commencer par les mythiques “Time to Pretend” et “Kids”. Ce dernier a même fait parler de lui outre mesure en France, puisque notre parti politique majoritaire, avide, comme tous le sont, de coolitude, se l’est approprié en guise de bande sonore lors de meetings et pour son site web. Procès, procès gagné, indemnités. Et notre duo a tout reversé à Haïti, pourtant pas encore sinistré. Mais MGMT est en toutes circonstances toujours précurseur, on ne le dira jamais assez. Un avant-gardisme chronique à décrypter d’urgence, puisque c’est sans doute grâce à celui-ci que les compères ont vendu deux millions d’albums et comptabilisé plus de 81 millions d’écoutes sur MySpace. Who is MGMT ? That is the question. That is aussi the adresse agréée pour écouter leur nouvel album (whoismgmt.com), celle qu’ils ont instaurée, lassés des mauvaises copies qui se sont vite répandues sur le web, peu après notre rencontre. Pas sûrs tout de même de ne pas se retrouver face à un énième sujet de buzz conjoncturel et pas complètement justifié, nous nous sommes préparés à rencontrer ceux dont l’aura était encore augmentée, s’il le fallait, par le fait que la collection masculine printemps-été 2009 de Gucci leur avait été dédiée. Des icônes de mode en prime ?

Le rendez-vous était donc pris en matinée, les après-midi étant vouées aux répétitions. Formula Studios, 450 W, 15th Street, un endroit parfait pour y poser votre futur loft, tout près du Chelsea Market, marché couvert où vous pourrez, si tout s’est mal passé, aller vous concocter un plateaurepas réconfortant et frais. Arrivés “on time”, vous attendez un brin avant de vous approcher des stars, à première vue deux choupinous pas complètement impressionnants. L’heure venue, Ben Goldwasser, le brun à lunettes d’intello, joueur de claviers de son état, est tout de suite disponible, l’oeil brillant, la poignée de main franche, prêt à savoir si c’est votre première visite ici, à commenter le temps qu’il fait. Andrew VanWyngarden, le blondinet, guitare, chant et de là, bien sûr, chouchou des filles, semble plus fatigué : « On a cinq minutes ? » Tout le temps que vous voulez. Je n’habite pas ici, je n’ai pas tant de projets. En fait de fashion victims, les deux adoptent un look simplissime, plus “Petit Bateau” – dont ils ont été avant Izia les égéries – que couture. Ben, qui dit avoir grandi à la campagne et ne pas être rompu à la fashion, rigole : « Tout cela est très flatteur. On nous a dotés d’une image de mecs cool, probablement grâce à notre clip de “Time to Pretend”, mais bon, enfin, nous n’avons pas les moyens de nous offrir des fringues Gucci ! » Retour d’Andrew, et nous voilà partis pour une petite demi-heure d’investigation. Commençons donc au commencement, à savoir comment ces deux-là se sont rencontrés. C’était à la fac, on le sait. Mais bon, cela a-t-il été spontanément évident : « Quand vous vous êtes connus, vous vous êtes reconnus ? » La question sera sans conteste celle qui leur plaira le plus de toutes, car bien sûr oui, ceux-là se sont bien trouvés, tout deux auto-proclamés “slackers” (fainéants tranquilles), qui aimaient écouter de la musique bizarre. Et du coup, tout n’a pas commencé sur les chapeaux de roues : « Au départ, nous avons commencé à faire de la musique ensemble comme une distraction, sans penser que nous allions créer un duo qui serait quelque chose de très spécial », commente Ben. « Nous jouions dans d’autres groupes que nous prenions davantage au sérieux. Ce que nous faisions ensemble, c’était même comme un projet parallèle, secondaire. Pendant un bon moment, cela n’a pas été notre priorité. Je pense qu’au final, cela nous a plutôt rendu service car si nous avions vraiment cherché à monter une structure avec l’ambition de drainer un vaste public, nous n’aurions pas saisi de la même façon les chances qui se sont offertes à nous. » Un disque est tout de même sorti de cette aventure, signé sur une major et bourré de tubes incroyables, certains ayant même été écrits des années auparavant, alors que les deux avaient à peine vingt ans. « Au moment de la sortie de l’album, nous étions déjà bien différents de ce que nous étions quand nous avons créé ces morceaux », explique Ben. « Le changement dont on parle aujourd’hui au sujet de notre musique ne s’est pas fait d’une façon radicale. » Reste que c’est aussi le succès qui a transformé MGMT : une entrée fulgurante dans le star-system, une tournée de quinze mois, et puis, au final, un considérable craquage nerveux (particulièrement chez Andrew). Au vu de cet engouement un brin étouffant, toutes les conditions n’étaient pas réunies pour les entraîner à jouer à l’avenir la carte de la facilité. « L’idée de faire quelque chose qui marche à coup sûr ne nous intéressait pas. Le succès lié à notre premier album a été quelque chose de génial, mais peut-être n’avons-nous pas été complètement compris », poursuit Ben. « Les gens nous ont spontanément vus comme un duo de pop électro, indissociablement lié à la notion de fête, ce qui est dans un certain sens vrai, bien sûr, mais nous ne sommes pas que cela. » Les deux Brian En effet, le groupe n’est pas qu’un souffle de vent léger. D’abord, à force d’écouter de la musique bizarre, Ben et Andrew se sont construit une solide culture, pas indispensable selon eux pour oeuvrer à son tour, mais importante car « depuis toujours, en musique, on part de ce qui a déjà été fait et on enrichit cela avec les nouvelles technologies dont on dispose, on y ajoute une pincée de l’air du temps. » Et de conclure : « Rien, musicalement, ne vient jamais de nulle part. » Du coup, les références des deux MGMT sont surprenantes. Les deux plus grands génies étant peut-être à leurs yeux Brian Eno (auquel est dédié un des titres de l’album, sautillant et pas du tout “enoesque”) et Brian Wilson. « Du fait de s’appeler Brian… ». Mais dans “Congratulations”, tout est possible. Il y a de la sunshine pop, du psychédélisme, beaucoup, du rock flamboyant, des accents Motown et puis des mots, ceux qu’écrit Andrew, sombres, poétiques, pleins de jeux de mots et de références (« Hope I’ll die before I get sold »…), qui tiennent une place majeure même s’ils arrivent à la fin du processus de création. « C’est une part vraiment importante de notre musique, qui peut dérouter. Mais si nous voulons que les gens soient surpris et réfléchissent, nous ne souhaitons pas pour autant choquer. Les chansons s’imposent à nous et nous les délivrons de la manière la plus sincère possible. » Fort de tout ça, cette semaine, l’album sort, et malgré (ou grâce à ?) ce manque de concessions revendiqué, les critiques sont d’ores et déjà dithyrambiques « Nous sommes heureux des réactions positives de la presse internationale. Nous n’osions espérer ce genre de réactions, enfin plutôt si, nous les espérions. Les journalistes vont certainement aider le public à comprendre l’album et à s’y intéresser », commente Andrew. Et puis il y a les concerts, dont le top départ a été donné il y a deux semaines au Trabendo. Là, les MGMT, escortés des trois autres musiciens intégrés au groupe, ont surpris. Toujours pas vraiment des bêtes de scène, toujours pas taillés pour faire Bercy, ils ont livré un show tout en finesse, apte à séduire le public. D’autant qu’ils étaient ravis d’être à Paris, capitale qui, s’ils l’ont séduite, les a tout autant ensorcelés. « C’est une ville magnifique, particulièrement en été. Les gens sont dehors et ce que l’on adore faire, c’est arpenter les ruessans but, marcher pour se perdre, trouver un endroit sympa pour se poser et regarder les gens vivre. C’est une question d’ambiance. » Un mot de conclusion spécial pour nous, alors ? En choeur : « Get ready for us !!! ». Tout le monde aura suivi.