La culture en musique

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lundi, mai 2 2011

Swinging Paris : Le lindy Hop à Paris

Si al’effet “Mad Men” a déjà touché la mode et la déco, un vent rétro souffle aujourd’hui sur les nuits parisiennes. Les soirées swing réunissent ainsi danseurs de “lindy hop” et fans de vintage, dans une ambiance d’un autre temps. Allez, tous en piste !

A l’extérieur, une horde de touristes endimanchés fait la queue sur le trottoir pour entrer au Moulin Rouge. Il faut se frayer un chemin parmi eux pour accéder à la porte de la Machine du Moulin Rouge, anciennement la Loco, qui jouxte le fameux cabaret. En haut de l’escalier, au premier étage, on entend une musique rétro. Et quand on arrive dans la salle, on a l’impression d’avoir fait brusquement un saut dans le passé : les garçons ont les cheveux gominés et la moustache fine, les filles sont en robe, la taille haute et les lèvres rouges. Surtout, les couples dansent le “lindy hop”, une danse de rue qui s’est développée dans la communauté noire de Harlem à la fin des années 1920. Ici, on est plus proche de l’esprit du Cotton Club que d’une boîte de nuit parisienne des années 2010. Comme chaque second samedi du mois, c’est l’Apéro Swing, un rendez- vous qui accueille des soirées swing, crooner, néo-burlesque. Mais attention, si la danse, la musique et les looks sont d’époque, le public lui, a une moyenne d’âge de trente ans. Le terme “swing”, dont l’âge d’or se situe dans les années 30 et 40, désigne une forme de jazz et les danses qui vont avec (Charleston, lindy hop, jazz roots). Depuis 2005, il refait surface en attirant un nouveau public, comme de nombreux autres courants rétro (le néoburlesque et le look pin-up, le rock’n’roll et le son des fif ties). Mais ces trois dernières années, tout s’est accéléré : c’est l’effet Mad Men. Cette série américaine qui se déroule dans les années 60 à New York a remis au goût du jour l’esthétique, les costumes et la déco de l’époque. Les créateurs de mode s’en sont inspirés et on a vu réapparaître la silhouette rétro lors des défilés, alors que les magazines de déco mettent en scène des intérieurs typiques des années 50 et 60.

« On n’est pas passéiste, on s’inspire du rétro dans l’image et l’état d’esprit, mais on vit dans notre époque. On est jeune, on aime aussi plein de choses de la culture contemporaine, prévient Florence Agrati dite Lady Flo, fondatrice de l’association qui organise des soirées visant à promouvoir la culture rétro version 2011. Quand on sort aujourd’hui, tout le monde est habillé comme son voisin et les garçons ressemblent aux filles. On ne s’entend pas parler, on ne se touche pas, il y a une phobie du corps, ajoute-t-elle. Alors oui, il y a une certaine nostalgie d’une époque révolue, où les gens avaient l’air heureux d’aller danser, se faisaient beaux pour sortir, dansaient à deux, tout cela dans les règles de la galanterie. » Pour beaucoup, l’état d’esprit rétro, c’est aussi une recherche du “qualitatif” dans une société où ce qui est consommé est aussi vite oublié. Il correspond à l’envie du moment de se nourrir de bons produits, de porter des vêtements bien coupés dans des tissus qui durent, loin de la junk food et de la mode jetable. La vague vintage semble d’ailleurs frapper plus intensément les femmes, qui se retrouvent dans cette époque des Trente Glorieuses, où leur corps et leur féminité étaient mieux mis en valeur. Et puis les rôles de chacun étaient bien définis, la séduction était aussi plus ludique. Des “valeurs” que revendiquent les filles du néo-burlesque, qui pratiquent l’effeuillage glamour. C’est un peu tous ces éléments qui forment ce que l’on appelle l’esprit néo-rétro. Aujourd’hui ces envies se propagent naturellement à la danse. Pour preuve, l’association Brotherswing qui donne des cours de lindy hop, de jazz roots et de Charleston à Paris, a vu le nombre de ses élèves plus que doubler en un an. Pour Paulo, 32 ans, et Mélanie, 25 ans, les deux professeurs de l’association, une seule condition pour réussir à danser le lindy hop : «avoir envie et être motivé ». En mettant en place des cours d’initiation gratuits au début de chaque soirée swing qu’ils co-organisent, ils ont permis aux curieux et aux timides de se lancer.

« Ce qui est bien, c’est que les gens se rendent compte qu’ils peuvent faire rapidement quelques pas et la sensation est assez instantanée, précise Mélanie. Si tu es motivé, tu peux progresser très vite et avoir un bon niveau en quatre mois. » Ancêtre du rock’n’roll qui s’en inspire par le style musical et le pas de base, le lindy hop se rapproche du boogie-woogie avec un côté “swingué”, arrondi, là où le rythme du rock est plus carré. Il se danse aussi bien sur des rythmes lents que sur des rythmes très rapides. Et pour cette nouvelle génération, il peut même se danser sur de l’électroswing, un mélange de morceaux des années folles et de rythmique électro, comme celui des DJ’s Bart&Baker, spécialistes du genre (albums Swing Party et, à sortir en juin, Swing Burlesque, chez Wagram). « Les gens ont besoin de se défouler dans un contexte social difficile, explique Paulo. Il y a un effet “bonne humeur” du swing. La musique est très joyeuse, et la danse est super dynamique, faîte pour se lâcher. Dans les soirées, tout le monde sourit. C’est impossible de faire la tête dans une ambiance pareille. » Et à voir les visages des personnes dans la salle, danseurs ou pas, on se dit que l’“effet swing” devrait être remboursé par la sécurité sociale. Mais attention, lors de ces soirées à la Machine du Moulin Rouge, pas de prises de tête ou de postures. Chacun vient comme il est. Et les participants très “lookés” se mélangent à des danseurs plus attentifs à leurs pas qu’à leur tenue Les soirées swing sont à géométrie variable, parfois plus teintées de danse, de burlesque ou de rock, mais avec à chaque fois un dénominateur commun : la décontraction, le plaisir. Il était temps que les soirées parisiennes se mettent à swinguer.

lundi, novembre 29 2010

Lomography Gallery Store Paris

Bienvenue en lomography. Le terme désigne à la fois un mouvement photographique et le nom de l’entreprise qui commercialise les lomos (initiales de “Leningradskoïe Optiko Mekhanitchéskoïe Obiedinenie” !), des appareils photos au style “old school”. L’histoire commence sur un marché aux puces de Prague au début des années 90, où leur design rétro tape dans l’oeil de deux jeunes Viennois. Ces étudiants en marketing réussissent alors à convaincre le directeur de l’usine Lomo en Russie de redémarrer la production, avec un contrat de distribution exclusif à la clé. Bien vu ! Les aficionados de lomos se trouvent aujourd’hui aux quatre coins du monde. La Lomographic Society International rassemble plus de 500 000 membres (réunis sur le site de partage et de vente www. lomography.com), dont 10 à 20 000 rien qu’en France. Ce nouveau Lomography Gallery Store est la deuxième boutique du genre en France. La première se situe dans le 10e arrondissement de Paris. Cette nouvelle “ambassade lomographique” – selon l’expression maison – vient d’ouvrir dans le Marais, en lieu et place d’une galerie. Avec un mur droit entièrement recouvert de “lomos” hétéroclites formant une mosaïque bigarrée, le nouveau magasin inauguré le 28 octobre annonce la couleur : peu importe la technique. L’important est de se divertir. Parmi les dix commandements amusants de la lomography, on retient : « Essaie la prise de vue sans viser », « Ne pense pas », « Tu n’as pas à savoir à l’avance ce que tu prends en photo », et enfin... « Moquetoi des règles ». Une manière décomplexée de faire de la photo, qui remiserait presque le numérique au placard. Elle est d’ailleurs la seule société à proposer du 100 % argentique. Le lomo jouit d’une image à la fois cool et jeune. La preuve s’il en était encore besoin : le jour de notre visite, Peter Doherty himself a craqué pour l’un de ces petits joujoux… Outre leur aspect vintage, ces appareils attachants ont pour eux également un prix très abordable, de 30 à 425 ¤ (à noter, des promos sont prévues à Noël). Idem pour les pellicules (3 pour 7 ¤). Le best-seller de la marque, bien connu de la communauté lomo, s’appelle “Diana”. Le modèle de base coûte 40 ¤, l’édition limitée 90 ¤. Décliné sous toutes les coutures, il est visible dès l’entrée du magasin. Cet appareil en plastique “made in China” a été remis au goût du jour. La société en a réédité en 2007 une réplique appelée Diana+, puis une nouvelle version en 2008, le Diana F+, qui possède un flash amovible et colorable grâce à des filtres. Toutes sortes d’accessoires sont proposés en sus : objectifs, flashs, boîtier étanche pour prendre des photos sous l’eau, “instant back” (un boîtier qui permet de développer des photos instantanément !)... Faire se superposer deux photos sans trucage ? Fastoche ! But du jeu : multiplier les effets visuels, avec l’air de ne pas y toucher. Le petit nouveau dans la galaxie des lomos, le “Sprocket rocket”, vendu 79 ¤, rend visible les perforations de la pellicule si on le souhaite. Sorti en juin 2010, le “Spinner” (125 ¤) est posé sur un mini-trépied et permet de prendre une photo à 360 degrés ! Les différents modèles sont vendus avec un mode d’emploi et un livret où puiser son inspiration. Des ateliers sont organisés à partir du 25 novembre (inscription sur www. facebook. com/lomographyparis) afin d’optimiser l’usage de ces petits bijoux fashion, en passe de devenir de véritables accessoires de mode. Pour voir et être vu !

Le cinéma tourné dans le metro

Si vous allez voir A bout portant au cinéma, vous y découvrirez une intense course-poursuite avec Gilles Lellouche dans les entrailles du métro parisien. L’occasion de revenir sur le lien fort qui unit depuis longtemps cinéma et métro.

Faisant partie intégrante de notre univers de voyageur quotidien, le métro parisien fait également partie intégrante de notre univers de spectateurs. Ainsi, entre Sara Forestier se baladant nue dans une rame de la ligne 6 dans Le Nom des gens, Julie-Marie Parmentier arpentant la Gare d’Austerlitz dans No et moi, Pascal Greggory marchant sous la ligne 6 dans Quartier lointain, Benoît Magimel prenant la 14 dans Mon pote, ou Gilles Lellouche poursuivi par la police dans les couloirs de la station Auber (A bout portant), ce ne sont pas moins de cinq films en ce moment à l’affiche qui comportent des scènes tournées dans le métro, et près de 31 tournages de films qui ont eu lieu dans le métro et le RER en 2010. Symbole de Paris au même titre que la tour Eiffel ou les Champs-Elysées, le métro est donc une figure incontournable pour les réalisateurs qui situent l’action de leur film dans la capitale.

Régulièrement sollicitée par le cinéma, mais privilégiant bien évidemment le transport des voyageurs aux tournages, la RATP a mis à la disposition des équipes de films une station désaffectée, Porte des Lilas-cinéma, totalement indépendante du service voyageur, ouverte de 8 h à 20 h, et redécorable à souhait, comme ce fut le cas avec Jean-Pierre Jeunet qui l’immortalisa maquillée en station Abbesses dans “Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain”. Ouvrant également ses lignes en pleine journée aux équipes réduites, la RATP et son service entièrement dédié aux tournages se mettent en quatre pour faciliter leur travail. « C’est une façon pour nous de soutenir la création, et de valoriser nos espaces », souligne Karine Lehongre-Richard, responsable des tournages à la RATP. Epluchant les scénarios pour évaluer les faisabilités techniques, elle ne refuse que les scripts portant atteinte à l’image de la RATP. « Ce qui n’est pour l’instant jamais arrivé, précise-t-elle, les seuls refus étant dus à des délais de demandes trop courts. » Car, il ne faut pas s’y tromper, tourner dans le métro demande tout de même une certaine logistique et certains frais. Facturant ses services, mais ne faisant pas un commerce de l’accueil des productions, la RATP prend en compte le coût du matériel et du personnel mis à disposition, afin que chaque tournage se déroule en toute sécurité. Ainsi aidés par une politique de communication qui leur a largement facilité la tâche ces dernières années, les professionnels de la profession n’hésitent plus à descendre sous terre pour y filmer les scènes qu’ils avaient rêvées sur papier, comme le confirme Fred Cavayé, réalisateur de A bout portant : « Le fait que l’histoire se déroule dans des lieux que tout le monde connaît renforce sa véracité, et donc l’intensité du suspense. » Mais l’exercice, même si on a correctement validé son “titre de tournage”, n’est pas sans contraintes : « Pour tourner la poursuite dans le métro, ma journée de travail commençait à 1 heure du matin et finissait à 5 heures ! C’est-à-dire que je ne disposais que de 4 heures, installation comprise ! Là, vous n’avez pas droit à l’erreur. »

Une erreur, pourtant, a bien failli compromettre cette folle aventure souterraine, comme le raconte l’acteur Gilles Lellouche. « Il était 5 heures du matin, on avait fait je ne sais combien de fois cette scène où je descends en courant et à contre-sens l’escalator du métro, je commençais à bien la maîtriser, je me prenais même pour le Rémy Julienne de Melun ! Et le réalisateur m’a dit : “Ce serait bien que tu tournes ton visage vers la caméra, pour qu’on te voie bien.” Evidemment, en me retournant, le pied est parti et... boum ! Je me suis foulé la cheville ! Heureusement, les autres scènes d’action étaient plutôt sur la fin du tournage. » Une petite mésaventure pour Gilles Lellouche, mais celle qui est arrivée à Jean-Paul Belmondo en 1974 sur le tournage de “Peur sur la ville” aurait bien pu lui coûter la vie. Lors de la scène mythique où notre Bébel national court sur les toits du métro de la ligne 6, la star a bien failli toucher à pleine vitesse une tige métallique au moment d’entrer sous le tunnel après le viaduc de Bir-Hakeim. Le spécialiste de la cascade n’a alors dû son salut qu’à sa dextérité et à sa présence d’esprit, se décalant in extremis en rampant vers l’extérieur du toit. Autre mésaventure, mais plus cocasse celle-ci, dans “Mesrine”, lorsque l’ennemi public n°1 (Vincent Cassel), en fuite avec Ardouin (Samuel Le Bihan), son complice de hold-up, se réfugie dans le métro. Là, alors que nous sommes au coeur des années 70, on voit une rame moderne passer en arrière-plan… Etrange ! Des faux raccords qui, tout comme le parcours improbable de Gilles Lellouche dans A bout portant, passant de Saint-Augustin à Auber en l’espace d’une seconde, ne nuisent pas au plaisir du spectateur, qui redécouvre à l’écran les couloirs qu’il arpente tous les jours. Et pour tous ceux qui ont raté Meryl Streep à la station Porte des Lilas l’an passé dans Julie et Julia sachez que vous pourrez retrouver le 15 décembre une autre star, Angelina Jolie (si, si !) à la station Temple, dans The Tourist… mais seulement au cinéma !

mardi, octobre 5 2010

Murakami au Château : Versailles kawaï !

Et c’est reparti pour “le choc des cultures” au Château de Versailles ! La star japonaise de l’art contemporain Takashi Murakami investit le domaine de Louis XIV avec ses oeuvres colorées, acidulées, inspirées par les films d’animation et les mangas. L’événement de la rentrée, sur fond de polémique…

jubilatoire. » C’est ainsi que Jean-Jacques Aillagon, président du Château de Versailles, définit l’exposition Murakami, jusque dans son principe. « L’idée de faire venir chaque année un très grand artiste mondialement connu ( Jeff Koons il y a deux ans et Xavier Veilhan l’année dernière, ndlr ), pour qu’il s’approprie le Château de Versailles en y exposant ses oeuvres, est très excitante. » C’est en effet devenu une tradition qui à chaque rentrée fait mouche. Les poids lourds de l’art contemporain se mesurent à Mansart, Lenôtre et Lebrun, et c’est cette fois-ci au tour du Japonais superstar d’investir les salles et les parterres royaux par la grâce du maître des lieux. Takashi Murakami, c’est un empire. L’artiste, âgé de 47 ans, dirige une sorte d’entreprise qui compte des dizaines d’assistants, d’artisans, d’artistes, réalisant sous son contrôle ses sculptures et peintures géantes bien connues. Inspirées par les divertissements de masse, la culture consumériste japonaise, la bande dessinée, les films d’animation et les mangas, par l’esthétique pop et “kawaï” (“mignon” en japonais), mais aussi par la peinture japonaise historique (dans le “savoir-faire” qu’elles requièrent), les oeuvres de Murakami, résolument pop, se déclinent en ballons géants, fleurs souriantes à visage humain, personnages à la fois hilares et inquiétants comme M. DOB (l’alter ego de l’artiste), le tout dans une débauche de couleurs acidulées et flashy. Mais la firme Murakami, c’est aussi une quantité invraisemblable de produits dérivés qui inondent le marché, des montres, des badges, des T-shirts, des pochettes de disques (il a réalisé celle de l’album “Graduation” du rappeur Kanye West)… Sans oublier des articles de mode sur lesquels il appose sa griffe, comme les sacs à main Louis Vuitton dont il a créé les imprimés, et qui l’ont propulsé au rang d’icône aux yeux des fashionistas du monde entier. Murakami le touche-à-tout, l’omniprésent, la star du marché de l’art, expose donc à Versailles. Une nouvelle étape dans son ascension. Il en rêvait ! « Pour un Japonais, y compris moi-même, le Château de Versailles est l’un des plus grands symboles de l’histoire occidentale », explique-t-il. L’exposition se compose de vingt-deux oeuvres (dont onze créées spécialement pour l’événement) réparties dans les salles du château. Une sculpture se trouve à l’extérieur, sur le parterre d’eau : l’“Oval Buddha” en bronze, acier et feuilles d’or. Cette imposante statue d’un personnage à double visage qui repose sur un éléphant est issue d’une collaboration avec le créateur de mode Issey Miyake.

Du bling-bling avec Pharrell

Autre association d’artistes dont on peut voir le résultat : la sculpture “The Simple Things” (dans le salon des Nobles), réalisée en duo avec Pharrell Williams, musicien et producteur de hip-hop. Totalement bling-bling, cette oeuvre est composée d’or et de plusieurs milliers de pierres précieuses. Logique, puisque l’un des objectifs avoués de Murakami était de nous en mettre plein les yeux et d’imaginer un « récit fantastique » qui inviterait le visiteur « à découvrir le pays des merveilles de Versailles »… Deux personnages, Kaikai et Kiki, siègent dans le salon de Vénus, tandis qu’un “Mister Pointy” de huit mètres de haut, perché sur des fleurs de lotus, a pris place dans le salon d’Hercule. Un étrange mobilier fait de champignons atomiques bariolés jonche le salon de Mercure, une bimbo pas très classe investit le salon de la Guerre, une immense décoration florale est disposée dans la galerie des Glaces, tandis que dans la salle des Gardes du roi, une vaste peinture murale, des lampes à suspension en verre teinté et un tapis forment une « oeuvre d’art totale ». Toute l’exposition, cette « folie éphémère », comme l’appelle Laurent Le Bon son commissaire, explose de couleurs vives, de formes rondes et rassurantes, de délires et de trouvailles charmantes. C’est plutôt sympathique, amusant, bon enfant. On se croirait dans un jeu vidéo ou dans un parc d’attractions peuplé de jouets géants. L’expo n’en est pas moins déroutante. Car on a beau se défendre d’être réac, on peut trouver pour le moins incongru de se voir imposer dans le même champ de vision les monstres gentils ou les fleurs en plastique de Murakami à côté des peintures rococo de François Le Moine et autres chapiteaux, pilastres et trophées en bronze du XVIIe. Mais lorsqu’on l’interroge sur la légitimité de cet événement, sur ses intentions provocatrices, Jean-Jacques Aillagon répond : « Aujourd’hui, c’est une certitude que l’art ancien et l’art contemporain peuvent cohabiter. De tout temps, Versailles a été le lieu où se confrontaient plusieurs époques ou courants artistiques. Au XVIIe plus que jamais, il y avait une véritable disponibilité et une ouverture à l’égard de la création. La notoriété de Murakami rivalise amplement avec la grandeur du Château. » De toutes façons, comme le dit la formule, c’est au public de décider. Or, depuis des mois, cette expo déchaîne la folie au Japon avant même d’avoir ouvert. L’équation “Murakami + Versailles” crée un énorme buzz et met les foules en transe. Nombreux sont ceux qui là-bas ont d’ores et déjà réservé leur voyage organisé spécialement pour venir visiter l’expo ! Une chose est sûre : la curiosité poussera le public à venir découvrir les oeuvres du Japonais, et les chiffres de la fréquentation s’en trouveront certainement augmentés. « L’écho international de Jeff Koons a été pour nous une campagne de promotion exceptionnelle », nous dit Aillagon, qui veut faire du chiffre, par tous les moyens. Au moins ne s’en cache-t-il pas. Des moyens qui ne sont pas du goût de tout le monde puisque de nombreuses voix – dont certaines franchement réactionnaires, pour le coup – s’élèvent pour dénoncer « l’opération de promotion commerciale et les spéculations des marchands d’art » (sur le site www.versailles-mon-amour.fr) ou la « politique de néo-vandalisme spéculatif international » (sur http://coordination-defense-de-versailles.info/). Pour se faire une opinion, rien de mieux que d’aller voir par soi-même. Pour ou contre Murakami à Versailles : c’est le grand débat de la rentrée !

lundi, avril 19 2010

Les Promesses, la pologne après-guerre

A travers 160 oeuvres, l’exposition Les Promesses du passé présentée au Centre Pompidou explore la création artistique de l’ex-Europe de l’Est depuis l’après-guerre. Révolution du regard en perspective. Varsovie, Pologne, fin février 2010. Un espace immaculé à l’agencement minimaliste. C’est peu dire que l’atelier de Monika Sosnowska, 38 ans, dessiné par ses soins, tranche avec les immeubles délabrés de Praga, quartier ouvrier situé à l’opposé de la vieille ville, sur l’autre rive de la Vistule. Une banlieue grise, réputée malfamée, devenue le dernier lieu à la mode depuis que des artistes ont commencé à y reconvertir bâtiments désaffectés et vastes friches industrielles. Ici, l’ancienne étudiante aux Beaux- Arts de Poznan conçoit ses installations, désormais exposées dans le monde entier. Pour l’heure, l’artiste explique dans un anglais parfait le long processus d’élaboration de la scénographie qu’elle a réalisée pour l’exposition de Beaubourg, Les Promesses du passé, qui revisite plus de soixante ans d’art dans les pays de l’Est. Une scénographie labyrinthique, écrin symbolique, fait d’allers-retours, à l’image du flash-back sur cette production artistique et des efforts entrepris pour mener à bien cette manifestation – au total, trois années de recherches et de voyages. Depuis la chute du Mur, deux décennies ont passé. Autant dire une éternité. A l’heure de l’Europe réunie et de la prise de conscience de l’importance de la diversité culturelle dans un monde globalisé, il était temps de lever le rideau (de fer) sur la création dans les arts visuels à l’Est. Une histoire enfouie, des artistes oubliés, que la nouvelle génération – celle de Monika Sosnowska, Mircea Cantor ou Pawel Althamer, pour ne citer qu’eux – a aidés à redécouvrir. Avec, en filigrane, la question inévitable des relations entre l’art et le pouvoir. Et, à la clef, un discours qui bat en brèche ce que l’on croit savoir de l’Europe de l’Est et de ses artistes. Quelle était leur marge de manoeuvre face aux pressions politiques ? Apportant un élément de réponse, l’exposition met en exergue des destins individuels pris dans le maelström d’une idéologie collectiviste, dont la mise en pratique eut des conséquences à géométrie variable selon les pays et les périodes. Des trajectoires où l’engagement ne prend pas toujours les formes auxquelles on pourrait s’attendre. Loin s’en faut. Dans le système communiste, chaque exposition devait passer sous les fourches Caudines de la censure du Parti. Laissant une plus grande liberté d’action, l’art conceptuel commença en Pologne dans les années 1960, avant de se développer rapidement car il ne nécessitait aucune structure particulière : nul besoin de demander une autorisation pour réaliser un happening dans un appartement privé. « Dans les années 1970, de nombreux artistes se sont mis à produire ce type d’oeuvres de manière confidentielle. Ils réalisèrent qu’ils n’avaient besoin de rien pour développer des idées », explique Anda Rottenberg, historienne d’art et ancienne directrice de la galerie Zacheta à Varsovie. Quant au pouvoir en place, il les considérait comme inoffensifs. Un exemple qui vaut pour le cas polonais. Le joug de la censure put se montrer en revanche implacable dans d’autres pays du Bloc. Des artistes se retrouvèrent derrière les barreaux, tel Tibor Hajas, sorte de Pasolini hongrois. Voire contraints à l’exil, à l’instar de Tamas Szentjoby, dont la devise était, il est vrai : « Tout ce qui est interdit est art. Soyez interdits ! »

Protéger l’autonomie de l’art par rapport au politique

"Sous un régime dictatorial, les gens sont obligés de se replier dans l’espace privé, faute de pouvoir s’exprimer dans l’espace public, analyse Christine Macel, chef du service création contemporaine et prospective au Centre Pompidou, co-commissaire de l’exposition. Ecarter les bras dans la rue, par exemple, prenait alors une dimension politique importante. " Pour autant, l’idée que nous nous faisons de l’usage de la liberté d’expression à l’époque soviétique apparaît le plus souvent erronée. « Très peu d’artistes de l’Est ont fait de l’art politique, au sens activiste du terme, reprend Christine Macel. Pas plus qu’ils n’ont été dissidents. » De fait, tous ceux qui s’occupaient notamment de performance ou de cinéma expérimental ont surtout eu tendance à protéger la sphère d’autonomie de l’art du champ politique et de la domination totalitaire, plutôt qu’à l’utiliser comme un moyen. Les échanges avec l’Ouest furent en outre beaucoup plus nombreux qu’on ne l’imagine. Certains artistes se rendaient à Paris, New York ou à Londres, là où “ça” bougeait. Reste que les difficultés d’obtention du passeport, sésame indispensable, ont constitué pour beaucoup un réel obstacle à la reconnaissance hors des frontières de leur pays. Jusque dans les années 1990, la question se révélait aussi économique. Avec des fortunes critiques directement liées à la visibilité et à la présence sur le marché international de l’art, bien avant la libéralisation. Est-ce un hasard si les artistes les plus connus sur la scène internationale sont également ceux qui ont eu les moyens d’aller à l’étranger ? Heureux qui, communiste, a fait un beau voyage... Dernière idée reçue : l’Europe de l’Est ne ferait qu’une. « C’est un concept politique qui date de la guerre froide et ne recouvre aucune réalité artistique », constate Christine Macel. A ses yeux, ni plus ni moins qu’une manière de classer les choses a priori, relevant d’une idéologie occidentale encline à uniformiser. Et d’ajouter : « Il n’y a pas plus un art de l’Europe de l’Est qu’un art polonais, roumain, slovène, tchèque, hongrois... Il y a des artistes, avec leur identité propre, et éventuellement des mouvements qui les rassemblent à un moment donné. » Une histoire définitivement polyphonique, dépassant la question de la nationalité. Subsiste une ultime question à la vue de ces oeuvres : ce qui a été un moment pris dans un état de suspension historique, entre la construction du Mur et sa chute, peut-il être réactivé a posteriori ? Une interrogation que développent aujourd’hui beaucoup d’artistes et d’intellectuels à travers l’héritage du communisme, moins un revival marxiste qu’une critique du consumérisme, une réflexion sur la mémoire et le vivre ensemble. La redécouverte de ces promesses du passé se révèle de ce point de vue essentielle si l’on veut à l’avenir pouvoir écrire une autre histoire de l’art que celle à laquelle l’Occident est habitué. En intégrant, cette fois, la partie Est de l’ancienne Europe au sein de la nouvelle. Faire en sorte que ces promesses soient tenues, en somme.