Si vous allez voir A bout portant au cinéma, vous y découvrirez une intense course-poursuite avec Gilles Lellouche dans les entrailles du métro parisien. L’occasion de revenir sur le lien fort qui unit depuis longtemps cinéma et métro.

Faisant partie intégrante de notre univers de voyageur quotidien, le métro parisien fait également partie intégrante de notre univers de spectateurs. Ainsi, entre Sara Forestier se baladant nue dans une rame de la ligne 6 dans Le Nom des gens, Julie-Marie Parmentier arpentant la Gare d’Austerlitz dans No et moi, Pascal Greggory marchant sous la ligne 6 dans Quartier lointain, Benoît Magimel prenant la 14 dans Mon pote, ou Gilles Lellouche poursuivi par la police dans les couloirs de la station Auber (A bout portant), ce ne sont pas moins de cinq films en ce moment à l’affiche qui comportent des scènes tournées dans le métro, et près de 31 tournages de films qui ont eu lieu dans le métro et le RER en 2010. Symbole de Paris au même titre que la tour Eiffel ou les Champs-Elysées, le métro est donc une figure incontournable pour les réalisateurs qui situent l’action de leur film dans la capitale.

Régulièrement sollicitée par le cinéma, mais privilégiant bien évidemment le transport des voyageurs aux tournages, la RATP a mis à la disposition des équipes de films une station désaffectée, Porte des Lilas-cinéma, totalement indépendante du service voyageur, ouverte de 8 h à 20 h, et redécorable à souhait, comme ce fut le cas avec Jean-Pierre Jeunet qui l’immortalisa maquillée en station Abbesses dans “Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain”. Ouvrant également ses lignes en pleine journée aux équipes réduites, la RATP et son service entièrement dédié aux tournages se mettent en quatre pour faciliter leur travail. « C’est une façon pour nous de soutenir la création, et de valoriser nos espaces », souligne Karine Lehongre-Richard, responsable des tournages à la RATP. Epluchant les scénarios pour évaluer les faisabilités techniques, elle ne refuse que les scripts portant atteinte à l’image de la RATP. « Ce qui n’est pour l’instant jamais arrivé, précise-t-elle, les seuls refus étant dus à des délais de demandes trop courts. » Car, il ne faut pas s’y tromper, tourner dans le métro demande tout de même une certaine logistique et certains frais. Facturant ses services, mais ne faisant pas un commerce de l’accueil des productions, la RATP prend en compte le coût du matériel et du personnel mis à disposition, afin que chaque tournage se déroule en toute sécurité. Ainsi aidés par une politique de communication qui leur a largement facilité la tâche ces dernières années, les professionnels de la profession n’hésitent plus à descendre sous terre pour y filmer les scènes qu’ils avaient rêvées sur papier, comme le confirme Fred Cavayé, réalisateur de A bout portant : « Le fait que l’histoire se déroule dans des lieux que tout le monde connaît renforce sa véracité, et donc l’intensité du suspense. » Mais l’exercice, même si on a correctement validé son “titre de tournage”, n’est pas sans contraintes : « Pour tourner la poursuite dans le métro, ma journée de travail commençait à 1 heure du matin et finissait à 5 heures ! C’est-à-dire que je ne disposais que de 4 heures, installation comprise ! Là, vous n’avez pas droit à l’erreur. »

Une erreur, pourtant, a bien failli compromettre cette folle aventure souterraine, comme le raconte l’acteur Gilles Lellouche. « Il était 5 heures du matin, on avait fait je ne sais combien de fois cette scène où je descends en courant et à contre-sens l’escalator du métro, je commençais à bien la maîtriser, je me prenais même pour le Rémy Julienne de Melun ! Et le réalisateur m’a dit : “Ce serait bien que tu tournes ton visage vers la caméra, pour qu’on te voie bien.” Evidemment, en me retournant, le pied est parti et... boum ! Je me suis foulé la cheville ! Heureusement, les autres scènes d’action étaient plutôt sur la fin du tournage. » Une petite mésaventure pour Gilles Lellouche, mais celle qui est arrivée à Jean-Paul Belmondo en 1974 sur le tournage de “Peur sur la ville” aurait bien pu lui coûter la vie. Lors de la scène mythique où notre Bébel national court sur les toits du métro de la ligne 6, la star a bien failli toucher à pleine vitesse une tige métallique au moment d’entrer sous le tunnel après le viaduc de Bir-Hakeim. Le spécialiste de la cascade n’a alors dû son salut qu’à sa dextérité et à sa présence d’esprit, se décalant in extremis en rampant vers l’extérieur du toit. Autre mésaventure, mais plus cocasse celle-ci, dans “Mesrine”, lorsque l’ennemi public n°1 (Vincent Cassel), en fuite avec Ardouin (Samuel Le Bihan), son complice de hold-up, se réfugie dans le métro. Là, alors que nous sommes au coeur des années 70, on voit une rame moderne passer en arrière-plan… Etrange ! Des faux raccords qui, tout comme le parcours improbable de Gilles Lellouche dans A bout portant, passant de Saint-Augustin à Auber en l’espace d’une seconde, ne nuisent pas au plaisir du spectateur, qui redécouvre à l’écran les couloirs qu’il arpente tous les jours. Et pour tous ceux qui ont raté Meryl Streep à la station Porte des Lilas l’an passé dans Julie et Julia sachez que vous pourrez retrouver le 15 décembre une autre star, Angelina Jolie (si, si !) à la station Temple, dans The Tourist… mais seulement au cinéma !