Paris en lettres capitales
Par seb burtias le lundi, janvier 24 2011, 21:20 - Lien permanent
Balzac, Hugo, Proust, Hemingway, Miller, Vian, Perec, Modiano... Nombreux sont les grands écrivains français et étrangers à avoir résidé dans la capitale. Tous, poètes comme romanciers, n’ont cessé de célébrer Paris et de mettre la ville en scène dans leurs oeuvres. Petites balades littéraires sur les traces de quelques glorieux fantômes. Une ville entre fiction et réalité Saviez-vous qu’au 34 bis, rue de l’Université avait vécu le gentlemancambrioleur Arsène Lupin sous le nom du duc de Charmerace ? Que George Duroy, portraituré par Maupassant dans “Bel-Ami”, résida au 17 de la rue Fontaine ? Que le fameux “côté de chez Swann” de Marcel Proust (et accessoirement de Dave) est en fait le quai d’Orléans de l’Ile Saint-Louis ? Qu’enfant, la Jacqueline Delanque de Modiano a grandi avenue Rachel, dans le 18e arrondissement ? En parcourant l’index des arrondissements et des rues de ce récent Répertoire des domiciles parisiens de quelques personnages fictifs de la littérature, il est fort possible que vous vous découvriez des voisins dont vous ne soupçonniez pas l’existence. Peut-être même que ces êtres de papier ont vécu un temps chez vous, à moins que ce ne soit vous qui viviez encore chez eux puisque la littérature les a rendus éternels. En relevant systématiquement les adresses de ses héros de roman favoris, Didier Blonde a eu une bien belle idée, de celle qui vient chatouiller instantanément l’imaginaire des lecteurs que nous sommes. Mais ce projet serait demeuré incomplet si l’auteur, détective à ses heures perdues, n’avait pas essayé d’aller voir sur place de quoi il retournait. En complément du répertoire, il publie donc un Carnet d’adresses qu’il décrit comme un « récit éclaté dans le dédale de la ville, de la mémoire, des archives ». Si le premier ouvrage est un hommage à la littérature dans son ensemble (on y croise aussi bien le Maldoror de Lautréamont que Fantômas), le second constitue une belle et stimulante invitation à la promenade dans la capitale. A découvrir. TEXTE: RÉMI MISTRY Balzac, Hugo, Proust, Hemingway, Miller, Vian, Perec, Modiano... Nombreux sont les grands écrivains français et étrangers à avoir résidé dans la capitale. Tous, poètes comme romanciers, n’ont cessé de célébrer Paris et de mettre la ville en scène dans leurs oeuvres. Petites balades littéraires sur les traces de quelques glorieux fantômes. La poésie du mouvement quotidien Retour, pour quelques instants, au coeur des années 70. A cette époque, Georges Perec a déjà publié quelques-unes de ses oeuvres majeures qui resteront gravées dans le patrimoine littéraire français, parmi lesquelles Les Choses, Un homme qui dort ou le fameux La Disparition, un exercice de style “oulipien” célèbre pour avoir été écrit sans la lettre “e”. La majorité de ces récits se déroulent à Paris, ville où l’auteur est né et a vécu une bonne partie de sa vie. Un beau jour d’automne 1974, l’écrivain s’installe place Saint-Sulpice et observe. Il tire de ses contemplations un texte très court et très simple joliment baptisé Tentative d’épuisement d’un lieu parisien ; un véritable “objet littéraire non identifié” comme seul Perec en a le secret. Durant trois jours consécutifs, l’écrivain est resté assis et a consigné méthodiquement les choses banales qui font la vie urbaine : les discussions des passants, les touristes, les pigeons, les bus, l’asphalte, les arbres... En clair : « ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages ». La tentative peut paraître anecdotique, mais force est de constater qu’il s’en dégage une certaine poésie. Ces petits détails qu’on ne remarque même plus et qui font la vi(ll)e d’aujourd’hui, l’auteur arrive à les sublimer en quelques mots. Une photographie parisienne qui n’a pas jauni. Balzac, à l’abri des regards C’est au coeur du quartier de Passy que choisit de s’installer Honoré de Balzac en 1840. Celui qui est considéré à juste titre comme l’écri vain français le plus ambitieux du XIXe siècle est à cette époque criblé de dettes et pense trouver la tranquillité en emménageant sous le nom de Mme de Breugnol dans cette maison du 16e arrondissement. Durant sept années, il va passer son temps à poursuivre l’écriture et la mise en forme de sa fameuse Comédie humaine débutée en 1831, soit en tout 137 oeuvres dont les classiques Père Goriot ou Eugénie Grandet, qu’on ne présente plus. La demeure possède deux entrées différentes qui permettent à l’écrivain d’échapper à ses créanciers. Les seuls visiteurs autorisés à pénétrer à l’intérieur doivent connaître les mots de passe : « La saison des prunes est arrivée » ou « J’apporte des dentelles de Belgique ». Ouverte au public en 1960 par la Ville de Paris, la maison de Balzac est désormais un musée dédié au romancier et à ses oeuvres. On peut y découvrir des manuscrits, des éditions originales ainsi que des tableaux et sculptures représentant l’auteur. Sa petite table d’écriture, ainsi qu’une partie du mobilier et des objets personnels de l’auteur et de Mme Hanska, riche admiratrice polonaise qu’il finira par épouser, n’ont pas bougé. La salle dédiée à la généalogie de La Comédie humaine est réellement impressionnante et permet de mesurer l’immensité et la complexité de l’oeuvre de Balzac, véritable inventeur de génie du roman moderne. Le jardin, pas bien grand mais charmant, est également ouvert à la visite. Une adresse méconnue qui mériterait d’être davantage visitée. Des Yankees à Paris La capitale française a toujours attiré les artistes et intellectuels du monde entier. On aime à le répéter parce qu’on n’en est pas peu fier. Dès les “folles” années 20, de nombreux écrivains étrangers - principalement américains - s’installent dans la ville et s’en inspirent. Ce fut notamment le cas d’Ernest Hemingway, qui affirme dans Paris est une fête que la capitale est certainement « la ville la mieux faite pour permettre à un écrivain d’écrire ». Le roman rassemble des tranches de vie, des rencontres, des chroniques du Paris littéraire d’alors. Hemingway, qui n’est encore qu’un jeune journaliste, y raconte ses balades au Luxembourg le ventre creusé par la faim ou son goût pour la Closerie des Lilas, mythique brasserie de Montparnasse où il écrivit la totalité de son roman Le Soleil se lève aussi que l’on recommande chaudement. Il côtoie durant ses multiples séjours parisiens d’autres compatriotes expatriés comme Ezra Pound ou Francis Scott Fitzgerald. A l’instar d’Hemingway, le romancier Henry Miller, pour qui l’Europe est synonyme de liberté de pensée, débarque dès 1930 dans ce Paris en pleine effervescence littéraire et vit cette fameuse vie de bohème si bien chantée par Aznavour. Dormant au hasard sous les porches, il tente de survivre en publiant des articles dans la presse, qu’il griffonne à la terrasse des cafés. C’est à deux pas du parc Montsouris, au coeur de la villa Seurat où l’héberge un ami, que Miller pose les bases de Tropique du Cancer, brillantes et scandaleuses chroniques de vie parisienne pour lesquelles il sera poursuivi un peu plus tard pour “obscénité” par un tribunal aux Etats-Unis. Les premières pages de ces ouvrages vous plongeront immédiatement dans l’ambiance à la fois si douce et si dure du Paris de l’entre-deuxguerres. Ces témoignages sont d’autant plus intéressants qu’ils proviennent d’étrangers qui posent un regard différent sur ce qu’était la capitale à l’époque. Visiblement, Paris n’a jamais cessé de les intriguer puisqu’ils y retournèrent régulièrement au cours de leur vie. Après tout, Scott Fitzgerald ne déclarait-il pas que « l’Américain de Paris, c’est ce que l’Amérique a fait de mieux » ? La Closerie des Lilas, 171, bd du Montparnasse, 6e. Tél. : 01 40 51 34 50. Le café des écrivains vivants Las de poursuivre la trace d’écrivains retournés à la poussière depuis des lustres ? Et si vous partiez à la rencontre d’auteurs bien vivants à travers la capitale ? La tâche est plutôt complexe puisque c’est une espèce terriblement solitaire ; mais pour débusquer les spécimens les plus mondains, fréquenter les cafés des 5e et 6e arrondissement n’est pas inutile (Flore, Deux Magots et consorts). Autre alternative : toutes les deux semaines au Café Charbon, brasserie typiquement parisienne située dans la toujours animée rue Oberkampf, est tournée l’émission de télé Café Picouly dans laquelle le célèbre auteur-animateur Daniel Picouly reçoit les écrivains et artistes les plus en vue du moment. En 2010, sont passés boire un verre au comptoir aussi bien Michel Houellebecq et Virginie Despentes que le médecin et auteur Laurent Seksik ou Richard Bohringer. Il est possible d’assister à l’émission en réservant à l’avance. Le jour de l’enregistrement, vous pourrez à votre guise vous balader et boire un verre (offert) dans le café pendant que Picouly s’entretient avec ses invités. Vous serez cantonné au rôle de figurant, un peu comme dans l’émission Ce soir (ou jamais !) sur France 3, mais le tournage constitue néanmoins un bon moyen de rencontrer des hommes et femmes de lettres qui font l’actualité. L’émission, diffusée tous les vendredi soirs sur France 5, contient quelques séquences vraiment originales. Le tout dans une ambiance cosy et fort sympathique.